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Domaine français La ville elliptique

mars 2022 | Le Matricule des Anges n°231 | par Dominique Aussenac

Par un roman vibrionnant de cocasserie et de méthode, Isabelle Dangy nous convie à une tentative d’épuisement d’un lieu.

Issue tout à la fois des Villes invisibles d’Italo Calvino, autant que proche d’un jeu vidéo, Harsenghem, ville tortue imaginaire se positionne quelque part dans un nord-nord-est de France. « La ville lui apparut comme une carapace luisante de pluie d’où dépassaient, telles des antennes, le beffroi, le clocher massif de Sainte-Fridegonde, les cheminées de l’usine Hermobois et les tours en quinconce du cours Saxo Grammaticus. » Qui la décrit ainsi ? Un étranger à double titre. Grégoire Arakelian vient d’être muté. Il est originaire de Marseille et son beau nom arménien lui confère le statut de métèque, juif errant et pâtre grec, tout à la fois. Errant, le nouveau greffier insomniaque sillonne la ville de jour et de nuit. C’est un guide explorateur infatigable au regard neuf qui s’attarde sur les aspects esthétiques, poétiques et incongrus de la ville qu’il n’a de cesse de photographier. Les photographies ne stagnent pas dans une carte numérique mais sont envoyées illico à sa compagne qui en quelque sorte les valide ou pas. Cette dernière par peur du déracinement n’a pas voulu le suivre dans le Grand ch’Nord. « Chacune de ces photos était un témoignage de ce qu’il percevait, mais aussi un appel chargé d’une timide insistance. »
Isabelle Dangy nous mène consciencieusement en bateau aussi bien d’un lieu à l’autre, que d’un être à un autre. Nous explorons méticuleusement centre et périphérie, intérieurs cossus et terrains vagues, ruelles et sentes, impasses et grands boulevards, individus et groupes humains, amicales, syndicats, luttes sociales… Certaines pistes tournent court, d’autres s’avèrent de conséquentes lignes de forces telluriques. Pareil pour les vies qui elles forment des noyaux, certains unicellulaires demeurent larvés à l’état d’anecdotes alors que d’autres en réseaux traversent les époques, les classes sociales, les hiérarchies.
Au début du roman, on s’égare un peu sans toutefois ne jamais s’ennuyer, l’écriture est vive, plaisante, mais le lecteur se demande où tout cela va bien pouvoir le mener. Il patauge dans un vernis social, des us et coutumes, un mois d’août désœuvré, uniquement pimenté par une grande braderie doublée de concerts (orgue et rock), pièces de théâtre d’avant-garde… « À force d’essayer de se représenter l’irreprésentable, il tombe dans une sorte de demi-sommeil. Il lui semble que le glas, ou le faux glas s’est tu. Bientôt sa femme va rentrer : elle ramassera le pyjama souillé, apportera un verre d’eau fraîche, et tirera le rideau devant la fenêtre, occultant pour la durée de la nuit le boulevard et la cité des morts. » Puis peu à peu, les événements, les êtres par les lignes de forces précitées se ramifient, s’emboîtent. Un burlesque à la Jacques Tati se met en branle, torrentiel. Mais les emboîtements, tenons et mortaises ne correspondent pas ou plus, les greffes enfantent des rejets chimériques. Des policiers à poil hantent un parking, d’autres gens en colère défilent nus, un anniversaire libre-échangiste tombe à l’eau et une librairie s’inonde. Un éminent organiste pète un câble, le Guetteur qui de son beffroi voit tout se met à sonner le glas sans jamais ne devoir s’arrêter. « Il voulait, affirmera-t-il, débusquer à temps des périls invisibles (dont il sera bien incapable de préciser la nature), tâcher au moins d’avertir les autres hommes de ce qui les attend, fût-ce par le plus agressif des déluges sonores, tâcher de leur montrer le trou noir vers lequel tout se dirige… »
À l’instar des cercles de Dante, ceux de Dangy sont concentriques, mais ne dépassent pas le nombre trois. Sa méthode à mèche lente enserre magnifiquement la vie, son grouillement, mais aussi ses aspects délétères et inocule subversion et fantaisie au figé, à l’ordre établi. Un magnifique hommage à Georges Perec décédé il y a quarante ans, le 3 mars 1982.

Dominique Aussenac

Les Nus d’Hersanghem
Isabelle Dangy
Le Passage, 256 pages, 19

La ville elliptique Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°231 , mars 2022.
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