Avec cette première pièce, Mathilde Souchaud fait une entrée fracassante en écriture. Son texte met en jeu une famille qui se retrouve dans une maison de vacances cachée dans la forêt, au bord de l’océan. D’emblée, la scène d’ouverture nous saisit. Dans une didascalie, l’autrice nous annonce : « Un chevreuil est encastré dans la porte-fenêtre. (…) L’animal est mort. Des morceaux de verre éparpillés au sol, du sang. » Les deux sœurs, Eléna et Sophie, à l’origine du rassemblement, essaient de sortir le chevreuil au moment où le reste de la famille arrive. C’est comme si le chevreuil, en faisant exploser la frontière entre l’intérieur de la maison et la forêt, ouvrait grand la porte à la sauvagerie. Toute vraie famille possède un secret, que tout le monde connaît plus ou moins. Pour garder ce secret qui n’en est plus vraiment un, les deux sœurs vont alors massacrer allégrement tous ceux qui essaient de rompre le silence. La pièce bascule au jeu de massacre, au grand-guignol. Les animaux ne sont pas en reste avec un écureuil qui s’étouffe avec un gland et le chien Nénette qui agonise. Pendant ce temps, l’enfant de 7 ans, Marcel-Ange, lorsqu’il ne s’empiffre pas, pose des questions dérangeantes comme : « Pourquoi les pères ? Les mères ? Pourquoi les mères ? (…) Je me demande pourquoi être une bonne personne alors qu’on va tous mourir à la fin. »
Après la présentation des protagonistes, les scènes suivent le déroulé du repas, de l’apéritif jusqu’au digestif. Un long repas interminable, où les pensées inavouables, normalement refoulées, sont toutes mises en œuvre sans aucune retenue. C’est, comment dire, vivant, méchant, drôle. La pièce se termine avec l’aurore, où tous les morts se relèvent, calmes, reprennent place, gardant trace de leurs blessures, prêts à recommencer un autre repas, peut-être moins violent, qui sait ? Mathilde Souchaud a dédicacé sa pièce, comme un clin d’œil, à tous ses psychanalystes, ce texte est peut-être une tentative de réparation poussée à l’extrême.
L.C.
Les Echos de la forêt
Mathilde Souchaud
Éditions Théâtrales, 66 pages, 10 €
Théâtre Les Échos de la forêt
mai 2022 | Le Matricule des Anges n°233
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°233
, mai 2022.