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Poches Séismes sentimentaux

juin 2022 | Le Matricule des Anges n°234 | par Camille Cloarec

Réédition de la superbe fresque de Shubhangi Swarup, l’une des voix les plus prometteuses de la littérature indienne.

Dérive des âmes et des continents

Dérive des âmes et des continents frappe immédiatement par son ambition tout à la fois géographique, historique et romanesque. Les quatre parties qui découpent le récit nous font voyager à travers le sous-continent indien et au-delà, de l’indépendance jusqu’à notre époque contemporaine, évoquant tour à tour le désir brûlant, l’attachement maternel et l’engagement politique. Ces histoires sont délicatement reliées les unes aux autres par la destinée et la nature, qui sont les deux fils conducteurs du roman. La première d’entre elles est sans nul doute la plus envoûtante. Nous sommes en 1948, les Britanniques viennent de quitter l’Inde. Girija Prasad, premier étudiant indien du Commonwealth à avoir mis les pieds à Oxford, est nommé au Service national des forêts après avoir obtenu son doctorat. Son premier poste se situe sur les îles Andaman, un archipel idyllique habité par des tribus autochtones, des crocodiles et des escargots géants. Le jeune homme se prend de passion pour cet inépuisable objet d’étude qu’est la flore insulaire. Son caractère introverti (« célibataire intrépide et pur produit universitaire, il s’adressait à toutes les femmes comme à une sœur, une belle-sœur ou une tante  ») lui vaut un mariage arrangé de la part de sa famille. Gratifiée d’une médaille d’or en mathématiques et en sanskrit, son épouse Chanda Devi dispose d’autres compétences plus énigmatiques : elle parle aux arbres, communique avec les fantômes (prisonniers pendjabis parqués sur l’île sous le règne anglais, soldats japonais l’ayant occupée après la Seconde Guerre mondiale) et pressent l’avenir. Fervente pratiquante hindoue, elle est strictement végétarienne et s’en remet entièrement à la réincarnation. « Selon les folklores, en fonction de la longitude, de la latitude, des rêves, du tempérament et des habitudes alimentaires de ceux qui le décrivent, toutes sortes de créatures se voient forcées de convoler en justes noces » : c’est le cas de Girija Prasad et de Chanda Devi, qui vont apprendre à s’aimer infiniment.
La seconde partie de l’ouvrage nous conduit dans la jungle birmane. Platon, un étudiant communiste qui est aussi le fils de Mary, la domestique du couple que nous venons de quitter à regret, a participé à l’organisation de plusieurs grèves. Il écope de dix ans d’enfermement dans des conditions inhumaines, ce qui n’atténue en rien son militantisme. « Si l’évolution de la vie était guidée par la survie, le mouvement des continents l’était par une imagination qu’aucune forme de vie ne serait capable d’appréhender » et nous poursuivons notre cheminement vers l’ouest, à Katmandou où survit le compagnon de Platon, Thapa, un Gurkha (soldat des armées britannique et indienne recruté au Népal). Ce dernier évolue « dans la foule des randonneurs, rabatteurs, mendiants, parieurs, accros au crack, prostituées trop jeunes et clients trop vieux » qui peuple son quartier, transportant de temps en temps de la drogue jusqu’en Inde. Enfin, nous nous attardons au cœur des montagnes de Karakoram, à la frontière entre le Pakistan, l’Inde et la Chine, dans un village ancestral sur lequel règne Apo, un patriarche rencontré par Thapa au cours d’un de ses périples.
Les cyclones se fraient une voie parmi les îles (ces « bavardages sans intérêt dans un océan méditatif  »), la luxuriance des forêts, la misère des vallées et les collines enneigées. Les destins sont autant de ricochets qui rebondissent à l’infini le long d’une frise chronologique sans début ni fin. Le moindre détail comme la persistance d’un rosier de Kalimpong, les dangers de la consommation de viande de tortue, les promesses d’un bar de strip-tease pourtant glauque ou encore le retour inopiné de la libido à 87 ans participe de la cohérence de l’univers tout entier. Shubhangi Swarup rend compte de l’éternité des choses, des sentiments et des êtres, qui se répondent inépuisablement dans ce premier roman chatoyant gouverné par l’imagination et le lyrisme.
Dérive des âmes et des continents ne cesse de faire du désir de Thapa (« Si seulement il pouvait imaginer une histoire à partir d’un regard. Si seulement il pouvait voir le monde à travers les yeux de quelqu’un d’autre. ») une réalité multiple, illimitée, démesurée.

Camille Cloarec

Dérive des âmes et des continents,
Shubhangi Swarup
Traduit de l’anglais (Inde) par Céline Schwaller
Métailié, « Suites », 372 p., 11

Séismes sentimentaux Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°234 , juin 2022.
LMDA papier n°234
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