J’ai élargi mon corps/ Laissé se former d’autres strates/ Choisi de trouver la douceur/ Au milieu de cette algèbre opaque ». Le coauteur de Nino dans la nuit (Allia, 2019) révèle une mélancolie apaisée et prend le parti d’une douceur désarmante. Dans une prose épileptique, Simon Johannin éclairait des figures romanesques furieusement à la marge. Assagi, son deuxième recueil de poésie porte un regard plus mesuré sur les passions et laisse entendre une inquiétude amoureuse suspendue à la quête d’un désir moins troublé, préservé des brûlures : « Où n’as-tu pas vu que tout brûler/ Ça n’était que bêtement tout détruire ». Cette ultime saison succède à bien des tempêtes qui ne laissent cependant pas le poète résigné, il en tire une lucidité nouvelle : « les restes qui me composent ne savent plus jouir ». On pense au poète philosophe antique Lucrèce, auteur du De rerum natura, qui tenait l’homme unique responsable de ses malheurs, lorsque Johannin écrit : « Je ne sais qui, de la grande violence/ Ou de la grande douceur/ Se mélange le mieux à l’autre/ J’ai toujours dirigé la colère vers le ciel ». La langue est moins nerveuse, le lyrisme tenu : « je cherche une terre capable de me soutenir quand je marche ». Les vœux du poète battent une mesure proche d’une forme d’ataraxie : « Mon crâne en rocher reposant/ Sur la pierre/ Voudrait rester ici / Sans ni mourir ni vivre ».
La Dernière Saison du monde ne sera pourtant pas la toute dernière, « des fleuves entiers de paroles » n’attendent que de « couler » vers l’être aimé et les promesses perdurent : « Que je nage dans le ruisseau, jus du monde, et boive la fraîcheur sans risque (…) Rallonger la magie jusqu’à ce que le sommeil m’emporte ».
Flora Moricet
La Dernière Saison du monde
Simon Johannin
Allia, 112 pages, 10 €
Poésie La Dernière Saison du monde
juin 2022 | Le Matricule des Anges n°234
| par
Flora Moricet
Un livre
La Dernière Saison du monde
Par
Flora Moricet
Le Matricule des Anges n°234
, juin 2022.