David Lopez, la belle ascension
Et s’il était en train de se passer quelque chose dans la littérature française que les universitaires plus tard, si la Terre tourne encore, nommeront d’un nom qui renverrait à l’idée d’une nouvelle voie ? On voit depuis une poignée d’années émerger de jeunes auteurs qui ont su désacraliser le temple de la littérature pour s’autoriser à y faire entendre des voix que jusqu’alors on ne percevait au mieux que mal imitées quand elles n’étaient pas singées, caricaturées avec une syntaxe puisée dans la corbeille des préjugés au lieu d’être saisie parfaitement dans son rythme, sa tessiture, sa respiration. Les journalistes, plus prompts que les universitaires à dégainer les étiquettes conceptuelles, pourront parler de littérature de banlieue en évoquant, entre autres, Charles Robinson, Laura Vazquez et David Lopez. Ce serait erroné. Ce dernier d’ailleurs n’évoque pas la banlieue dans son premier roman, Fief, mais une province dont certains pensaient jusqu’alors qu’elle n’était peuplée que de paysans et de vaches laitières. Dans Vivance, qui paraît aujourd’hui, son cas s’aggrave : il nous fait grimper à vélo le col du Tourmalet et l’indomptable Ventoux. Pourtant, quelque chose dans leurs romans pourrait rapprocher les trois auteurs cités. Une manière de faire émerger dans la phrase l’épiphanie d’un monde sur lequel pléthores de discours s’abattent qui loin de le faire voir, l’enfouissent, l’engloutissent, le rendent inaudible. Le monde de la jeunesse d’aujourd’hui, en France, c’est-à-dire un langage, une pensée, une culture, bref, une manière d’être au monde.
Et en matière de jeunesse, David Lopez en impose. Le romancier a 37 ans, en paraît quinze de moins, rit comme s’il sortait à peine de l’adolescence et arrose ses rêves de gamin comme s’ils avaient encore des fleurs à faire éclore.
Le garçon naît en janvier 1985 à Nemours, la ville de Fief « genre quinze mille habitants, à cheval entre la banlieue et la campagne » (p. 57). Trente-sept ans plus tard il y vit toujours et la ville peut-être dressera dans quelques années sa statue en face du château-musée pour saluer la fidélité du désormais plus célèbre écrivain de la cité (sans vouloir faire offense à Alain Berson). On notera aussi que Nemours vit naître le footballeur et entraîneur Rudi Garcia et le boxeur Frédéric Geoffroy. Mais à en croire l’écrivain, c’est son père qu’on devrait citer comme célèbre footballeur de la commune. Le « renard des surfaces » aurait gravé dans les mémoires des supporters assez de superlatifs pour que s’écrive une légende. Les pages qui voient Jonas, dans Fief, assister à un match de vétérans et noter sur un bout de papier toutes les actions de son père (un penalty, un autre but, sortie sur blessure) en témoignent. Histoire de mesurer la part autobiographique du roman, on demande à David Lopez si le père de Jonas ressemble peu ou prou au sien : confirmation, « on n’a plus jamais revu un buteur aussi prolifique ». En 1985, quand il vient au monde, il a déjà...