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Domaine français Le cinéma de Yann Dedet

novembre 2022 | Le Matricule des Anges n°238 | par Anne Kiesel

Drôle et instructif : Le Principe du clap plonge dans le monde du 7e art, du côté technique et érotique.

Le Principe du clap

En 1965, Yann Dedet a 19 ans. « Après des études dûment sabotées », il entre comme stagiaire, pour six mois, aux LTC, Laboratoires de tirages cinématographiques, à Saint-Cloud. Il fait ici le récit de ces six mois cruciaux, qui lui permettront d’obtenir la carte professionnelle d’assistant monteur. C’est la grande première partie du livre, « Paradis perdu », découpée en nombreux courts chapitres, autant de chapitres que de services dans l’entreprise. Dans une seconde partie, « Paradis retrouvé », plus courte et d’un seul tenant, il raconte un épisode médical à l’époque actuelle, nous y reviendrons.
Voici donc le jeune homme à l’entrée de sa vie professionnelle. Il met les doigts sur la pellicule et ne sortira plus jamais du monde du cinéma, devenant monteur (plus de cent films, pour Truffaut, Stévenin, Pialat, Philippe Garrel, Claire Denis…), mais aussi acteur, scénariste, réalisateur. Et écrivain, c’est son troisième livre chez P.O.L. Les deux premiers étaient déjà consacrés au cinéma. Le Point de vue du lapin, paru en 2017, raconte le tournage épique, en 1978, du film de Jean-François Stévenin, Passe Montagne. Trois ans plus tard, il sort un livre d’entretiens sur le métier de monteur, Le Spectateur zéro, réalisé avec Julien Suaudeau, qui s’est retrouvé couvert de prix.
Avec Le Principe du clap, on reste dans le cœur du métier, dans la matière, les rouages, les machines, les gestes techniques. Yann Dedet mâche les mots et sculpte ses phrases. Il rend hommage au temps où les choses matérielles existaient, dans un espace palpable, avant celui des bits numériques qui aplatissent tout. Il raconte par exemple comment on synchronisait le son et l’image, quand, sur une prise, le clap s’était malheureusement refermé hors-champ : en repérant « le mouvement des lèvres grâce à deux des occlusives, p et b, ou éventuellement la molle nasale m, dont la jonction des lèvres fait office de clap ». Ou son incursion au service Stock, là où étaient entreposés les films. En échange de trois Gauloises bleues, une pour combustion immédiate, les deux autres pour chaque oreille, il obtient d’un manutentionnaire fumeur le droit de jeter un coup d’œil au département 70 mm, format géant dans lequel Tati tourna Playtime.
Avec une précision voluptueuse et une gourmande autodérision, Yann Dedet oscille entre la description des gestes des ouvriers sur leurs machines, et le récit, aimablement moqueur, de ses émois érotiques (plus que les ouvriers, ce sont les ouvrières qui fascinent les « mâlounets pubescents » que sont Yann et ses co-stagiaires). Son écriture est parfois chantournée, délicieusement travaillée. Il ne craint pas, ici ou là, les inversions verbe-sujet, un chouïa précieuses. Il parsème avec économie quelques jeux de mots (« la loi des reins du mariage »). Il détourne un adjectif du vocabulaire botanique (pubescent qualifie un végétal qui porte des poils fins, souples et courts). Il raconte sa découverte, tout en même temps, de la fierté ouvrière, de la jubilation d’apprendre « à LTC, l’usine, ce n’est pas l’usine, ce n’est pas l’école, c’est le faire », et de la dextérité des mains de Denise, des cheveux dénoués de Christiane, de l’humour pétillant de Gisèle. Voilà pour le « Paradis perdu », enfoui désormais dans le tiroir du souvenir des premiers émois sexuels, et sous les programmes numériques et les écrans d’ordinateurs.
La seconde partie du livre (étrangement baptisée « Paradis retrouvé », mais on comprendra pourquoi) est également délectable. Le narrateur n’a plus 19 ans, mais son âge actuel. Il rencontre un problème médical, quelque chose qui arrive aux hommes septuagénaires. Le regard béat qu’il porte sur les infirmières multiculturelles qui s’occupent de son organe est un régal, de même que les échanges par SMS avec ses deux fils. Toute cette section urologique est à pisser de rire.

Anne Kiesel

Le Principe du clap
Yann Dedet
P.O.L, 160 pages, 17

Le cinéma de Yann Dedet Par Anne Kiesel
Le Matricule des Anges n°238 , novembre 2022.
LMDA papier n°238
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