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Domaine étranger L’écho de nos ancêtres

mars 2023 | Le Matricule des Anges n°241 | par Camille Cloarec

Le premier opus de la nouvelle collection que les éditions du Seuil consacrent aux voix autochtones nous confronte à l’atroce réalité des pensionnats autochtones canadiens.

Cinq Petits Indiens

Impossible de passer à côté du clin d’œil habile de l’autrice, dont le titre du premier roman rappelle fortement Dix Petits Nègres d’Agatha Christie (Ten Little Indians dans sa version américaine). Ici, aucune intrigue policière bien ficelée et saupoudrée d’humour britannique en vue. Cinq Petits Indiens prend au contraire à la lettre le racisme et l’exoticisation du livre aujourd’hui renommé sobrement Ils étaient dix : il nous raconte le destin de cinq enfants, arrachés à leurs familles dans les années 60 pour être placés dans des pensionnats administrés par des prêtres et des bonnes sœurs. Ces pensionnats, qui ont opéré à partir de la fin du XIXe siècle jusqu’en 1996, ont constitué un rouage essentiel du génocide humain et culturel dont ont été victimes les populations autochtones du Canada. Les enfants étaient privés de leurs racines, de leurs traditions et de leurs langues maternelles. Ils y ont subi un grand nombre de sévices, parmi lesquels des abus sexuels, des violences physiques et de la malnutrition. Selon les estimations de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, 150 000 enfants ont été enfermés dans ces pensionnats et au moins 4 000 d’entre eux y ont perdu la vie.
Michelle Good, membre de la nation crie Red Pheasant (Saskatchewan), s’est appuyée sur son expérience d’avocate auprès des anciens élèves des pensionnats pour créer les cinq personnages que nous suivons de leur adolescence à l’âge adulte. Il y a tout d’abord le résilient Kenny, qui au bout de plusieurs tentatives infructueuses, parvient à s’enfuir de la Mission School où il est emprisonné depuis sept ans. Les retrouvailles avec sa mère, qui ne passe plus son temps à fumer et sécher le poisson mais à boire, ne sont pas celles qu’il escomptait. Il y a sa camarade Lucy, qui est envoyée soudainement à Vancouver sans aucune ressource. En effet, le système colonial bien rodé évacue les pensionnaires dès qu’ils atteignent un certain âge : « À seize ans, néanmoins, leur statut changeait imperceptiblement : ils se transformaient en fantômes muets, payés une poignée de dollars pour trimer de longues journées en tant que filles de cuisine ou garçons de ferme. C’étaient les nouveaux esclaves de cette moitié du XXe siècle. » Maisie, chez qui elle se réfugie, a trouvé un travail de femme de ménage dans un hôtel de passe sordide. Elle peine à s’investir dans sa relation amoureuse avec Jimmy et mène une vie nocturne secrète. Son ancienne collègue Clara brûle de colère et finit par s’investir corps et âme dans les actions militantes de l’American Indian Movement. Quant à Howie, qui a frôlé la mort au pensionnat du fait de la maltraitance physique dont il a souffert, il est régulièrement saisi de crises de violence incontrôlables qui l’ont amené bien des fois derrière les barreaux.
Chaque personnage se bat contre ses démons, s’acharne à oublier, refoule autant que possible ses traumatismes. Ces derniers se manifestent pourtant tôt ou tard de manière tragique, teintés de tristesse, de hargne ou bien d’impuissance. L’addiction à la drogue et à l’alcool, la tentation de la brutalité, la glissade vers la prostitution, les comportements suicidaires sont autant d’échappatoires à un quotidien subi et à des souvenirs insupportables. Michelle Good dépeint avec une justesse déchirante le sentiment de culpabilité qui hante les survivants, la torture de vivre malgré les abus subis, l’impossibilité de se construire en étant amputé de sa communauté et de ses traditions. Alors que les destins de Lucy, Maisie, Clara, Kenny et Howie s’entremêlent, entre amnésie, dépendances et activisme, c’est toute une famille qui peu à peu se dessine : celle des peuples colonisés, martyrisés et exploités – la puissance de leur solidarité, la richesse invincible de leurs coutumes et leur longue histoire de résistance (« pensez au tambour, au cœur qui bat, aux chants, et à la façon dont tous ces sons merveilleux résonnent en un écho porté par le vent venu de nos ancêtres, qui soufflera aussi sur la vie des enfants de nos enfants »).

Camille Cloraec

Cinq Petits Indiens
Michelle Good
Traduit de l’anglais (Canada) par Isabelle Maillet
Seuil, 352 pages, 22

L’écho de nos ancêtres Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°241 , mars 2023.
LMDA PDF n°241
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