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Histoire littéraire Le phare de tous les dangers

mars 2023 | Le Matricule des Anges n°241 | par Guillaume Contré

En partant sur les traces de son grand-père ingénieur à travers les pages du journal que celui-ci a laissé, Stevenson dresse un émouvant portrait familial et rend hommage à l’Écosse.

Journal de la construction d’un phare

On ne cessera jamais d’admirer la quantité, la qualité et la diversité de la production littéraire de Stevenson en quarante-quatre brèves années de vie. Aux romans d’aventure, à la pléthorique production de contes et de nouvelles, aux essais sur la littérature, aux livres de voyage, il faut désormais ajouter cet inédit inclassable.
Publié une dizaine d’années après sa mort, ce Journal de la construction d’un phare mêle biographie familiale, réflexion historique et documents. S’il nous parvient signé du seul Robert Louis, il fut en réalité « coécrit », à près d’un siècle de distance, avec son grand-père Robert. Car c’est bien une tranche fondatrice de son histoire familiale et de l’histoire de son Écosse natale que se réapproprie ici Stevenson. Menée de front avec de multiples autres projets au cours des dernières années de sa vie, l’écriture de ce livre hybride – où la voix du petit-fils, pleine d’une admiration jamais béate, se fond dans celle de l’aïeul avant de lui céder la place – était aussi une manière de se rapprocher de cette terre qu’il avait dû quitter en raison de sa santé fragile.
Le particulier et le général s’entrecroisent brillamment dans la figure de ce grand-père hors norme, à la fois pragmatique, humaniste, « convaincu de mener à bien des missions essentielles », et porté par un « idéalisme chimérique » au nom d’un seul but : « La Perfection (avec un P majuscule, souligné avec insistance) ». Pionnier du génie civil, « une profession qui n’en était qu’à sa deuxième génération et avait déjà enfoncé les barrières du temps et de l’espace », il dirigea pendant quatre ans au début du XIXe siècle la construction du phare de Bell Rock sur un « redoutable récif » recouvert les trois quarts du temps par la marée. « Avant que l’homme arrive et introduise dans le silence de la mer les fumées et le fracas de la forge, c’était un lieu de repos privilégié des phoques », nous dit son petit-fils pour planter le décor de ce qui se révèle une aventure en tout point digne de ses romans les plus échevelés. Au-delà de la simple prouesse technique de cette « entreprise fascinante » qui « n’avait encore jamais été tentée, ni même envisagée », il s’agissait d’œuvrer pour le bien public, tant les côtes écossaises et leurs pièges faisaient des victimes parmi les bateaux imprudents.
Avant de nous proposer une sélection, revue et corrigée « d’une main respectueuse et fidèle », des bonnes feuilles du récit que Robert Stevenson a patiemment consigné dans « un grand in-quarto de cinq cent trente-trois pages » – véritable « romance de la pierre et de la chaux » qu’il aura mis quatorze ans à rédiger –, Robert Louis se penche avec humour en introduction sur la généalogie des multiples Stevenson qui l’ont précédés depuis le XIIIe siècle et « se frayent un chemin à travers les rivalités qui font l’histoire de l’Écosse ». Tous, certainement ne sont pas des figures aussi formidables que le grand-père, mais on n’en croisera pas moins certains qui, déjà, parcoururent les lointaines eaux du Pacifique Sud.
Avec tendresse et non sans une certaine ironie, à travers des extraits de correspondance conservés dans les archives familiales, Stevenson décrit des générations de femmes bigotes, « victimes toutes désignées des tartuffes religieux », et d’hommes volontaires, « conscients de leurs devoirs », qui voient dans la paresse une faute morale. C’est un monde dur qu’il décrit, où les enfants meurent souvent, dans lequel la rigueur protestante est à la fois un carcan et un réconfort. C’est tout l’art de Stevenson – qui s’était pourtant éloigné de la religion – que de savoir l’évoquer avec justesse et sans jugements hâtifs.
Quant au journal du grand-père, il se révèle une aventure haletante et pleine de danger au milieu du « bouillonnement immaculé » des vagues ; une véritable entreprise de patience qui s’organise au fil des marées et convoque une armée d’ouvriers et de marins risque-tout. Entre deux bourrasques, une énorme pierre après l’autre, le phare prend vie sous nos yeux.

Guillaume Contré

Journal de la construction d’un phare
Robert Louis Stevenson
Traduit de l’anglais (Écosse) par Marc Sigala
Paulsen, 250 pages, 21

Le phare de tous les dangers Par Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°241 , mars 2023.
LMDA PDF n°241
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