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Essais Un iconoclaste chez les décoloniaux

avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242 | par Catherine Simon

L’écrivain et sociologue Elgas explore les relations « françafricaines ». Il en appelle à sortir de l’aliénation et du ressentiment.

Les Bons ressentiments

Essai sur le malaise postcolonial
Editions Riveneuve

C’est un ouvrage qui fera date – tant il éclaire d’une lumière nouvelle, souvent mordante, l’histoire longue de la pensée décoloniale, ses pionniers et ses avatars, pointant au passage quelques figures connues de la diaspora africaine francophone. Lumière nouvelle, car Elgas, de son vrai nom El Hadj Souleymane Gassama, s’il est de parti pris, au sens positif du terme, s’inclut dans l’analyse de ce « malaise post-colonial », point de départ de son cheminement intellectuel.
« Aux terres d’exil, nous donnons le meilleur de notre âge, à la nôtre les miettes qui en restent, constate-t-il, lui qui avait 17 ans quand il a quitté le Sénégal pour étudier en France. Que peut-il en résulter d’autre sinon l’inconfort, le malaise, la contre-accusation d’un bourreau si évident ? » Cette interrogation, cette blessure lancinante, Elgas en a fait très tôt un objet de travail. Il lit tout, il dévore : de Cheikh Anta Diop à Frantz Fanon, en passant par Albert Memmi ou Valentin-Yves Mudimbe, il nourrit sa réflexion tous azimuts, puisant dans la sociologie, l’histoire, la littérature ou la philosophie de quoi prendre des forces. Il en faut pour penser, comme il le fait, à contre-courant de la mouvance décoloniale, devenue une posture dominante, au sud comme au nord de la Méditerranée. Il en retrace la naissance, les dérives, les impasses. « On ne dira jamais assez dans quel étau intenable se trouvent les intellectuels des Suds, aspirant à penser librement », souligne, dans la préface, l’historienne Sophie Bessis : d’un côté, « l’injonction mimétique exigée par le faux universalisme occidentalo-centré, porté par l’impérialisme colonial et ses épigones contemporains » ; de l’autre, les diktats du « différentialisme, inhérent à tout commandement identitaire ».
Elgas, en boxeur érudit, étrille les uns, France en tête, et interpelle les autres. Avec rigueur et calme, quand il analyse les ambivalences d’une Leonora Miano. Avec férocité, parfois. Certains, comme son compatriote Boubakar Boris Diop ou l’ancienne ministre malienne, Aminata Traoré, n’en sortent pas grandis. On rit beaucoup, aussi. La scène où le rappeur Awadi, invité par l’Institut français de Dakar, fustige la France devant un parterre d’« officiels français, masochistes ou endurants c’est selon », vaut son pesant de coltan. Rire grimaçant encore, à l’évocation du sommet de Montpellier et du face à face entre le président Macron et de jeunes Africains prêts à en découdre. « Chaque intervenant taille un costard à la France. Macron, magnanime, est dans son élément (…). Dans le fond, c’est lui la star parce qu’il est la cible. Son endurance est calculée », observe Elgas. La « Françafrique » n’est plus que l’ombre que d’elle-même, mais une ombre sacrément perverse et habile !
Elgas n’est dupe de rien. Il pourfend, sans ciller, les postulats de la pensée décoloniale, qui fait de l’Occident un bloc monolithique, un ogre a-historique, au centre de tout, décidant de tout, séduisante pirouette qui dédouane à bon compte les élites et les dirigeants africains, soumis à « l’ordre blanc ». Pas question de « céder à cette tentation de victimisation éternelle », s’insurge Elgas. « La réification du fait colonial est si forte, ajoute-t-il, qu’elle tend à enfermer toute l’Histoire du continent dans ce temps unique, omettant l’extraordinaire diversité de cette chronologie, ses souverainetés propres, ses essences inviolées ».
Comme tant d’autres avant lui, de Senghor à Mbougar Sarr en passant par Yambo Ouologuem, dont il retrace le parcours, l’auteur des Bons ressentiments, fan de Georges Balandier et de Cynthia Fleury, devrait, en toute logique, se faire taxer de traître (à la cause) et rejoindre la galerie des « Portraits d’aliénés », titre de la première partie de son livre. Il devrait surtout, et c’est ce qu’on lui souhaite, réussir à lancer un débat, loin des querelles fratricides et des surenchères mortifères.

Catherine Simon

Les Bons ressentiments.
Essai sur le malaise post-colonial

Elgas
Préface de Sophie Bessis
Riveneuve, 200 pages, 10,50

Un iconoclaste chez les décoloniaux Par Catherine Simon
Le Matricule des Anges n°242 , avril 2023.
LMDA papier n°242
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