Malgré sa voix haute et traînante, Maurice Pons a la politesse des grands timides. On le sent plus enclin à évoquer les heures glorieuses du Moulin d’Andé que son propre travail. Pourtant, celui qui épaula Simone Signoret pour écrire sa biographie, mérite une sacrée attention. Son ton malicieux et décalé, sa façon anachronique d’appréhender la réalité, sa plume élégante et mélancolique dévoilent les traits d’un des conteurs français les plus remarquables, et des plus économes. En témoignent ses nouvelles. Elles ont une fraîcheur désabusée, et des chutes navrantes, car on y trépasse beaucoup. Au prix d’une écriture délicatement ouatée, Pons crée des personnages toujours mystérieux, souvent sauvés des eaux, mais qu’un dernier ressac engloutit à jamais. Le titre de son nouveau recueil, Délicieuses frayeurs, annonce bien l’oxymore : le merveilleux se mêle au malaise, l’ironie au sérieux, le burlesque au désastre. Ses histoires inoffensives font l’effet d’une caresse qui sait porter le coup fatal.
Au risque de vous agacer, vous n’aviez rien publié depuis vingt ans, hormis vos Souvenirs littéraires en 1993 (Quai Voltaire). Pourquoi ce silence ?
Évidemment, votre question m’agace. Pourquoi dire que je n’ai rien publié depuis vingt ans, hormis mes Souvenirs littéraires. Mais ces souvenirs, il a bien fallu que je les écrive ! La première édition fait tout de même 207 pages ! Et la seconde à peu près autant, dans un autre format, chez un autre éditeur !
« L’exercice de la littérature m’est toujours apparu comme une activité secrète, et presque honteuse », écriviez-vous à l’occasion de la réédition de vos Virginales. Pour quelles raisons ?
C’est une question qu’il faudrait poser à mon psychanalyste, si j’en avais un. Pourquoi suis-je ainsi partagé entre le désir d’écrire, de voir publié tout ce que j’écris, et la gêne, presque la honte d’être lu ? Surtout par les lecteurs qui me sont proches.
Écrire, c’est se dénuder devant les gens, d’autant que je parle beaucoup de moi dans les livres. Finalement, c’est peut-être davantage de la pudeur que de la honte…
Pourtant, j’ai eu la chance d’être reconnu très vite par les écrivains. Julien Green ou Jacques Chardonne ont écrit des articles sur mes livres. J’étais invité à des déjeuners avec Claudel et Mauriac au Figaro lorsque j’avais 25 ans. C’était impressionnant.
Il vous avait fallu onze ans, dites-vous, pour écrire les onze nouvelles qui composent Douce-amère…
Onze ans pour écrire onze nouvelles, c’est un peu une boutade. En fait, comme on demandait à Picasso combien de temps il mettait pour peindre une toile : « deux jours, ou quelquefois deux heures – mais toute une vie entière », répondait-il.
Fabuliste, conteur… on peut aussi ajouter artisan en pathétique. L’écrivain peut-il tout inventer ?
Je pense qu’on n’invente rien absolument. L’imagination, l’inspiration, la création, tout cela se fabrique à partir de ce que l’on est, de ce...
Dossier
Maurice Pons
Écrire au silencieux
avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242
| par
Philippe Savary
En avril 2006, Le Matricule des anges proposait dans son numéro 72 un court entretien avec Maurice Pons, maître du pathétisme tranquille.