Un livre

L' Île Équinoxe

de Jean Fanchette

Editions Philippe Rey

Écrits entre 1954 et 1991, les textes qui figurent dans cette superbe anthologie établie par l’auteur lui-même, reparaissent aujourd’hui. En ouverture, Jean Fanchette justifie ses choix en quelques lignes marquantes : « La poésie a été le témoignage de ma plus constante fidélité à l’indicible, lutte inconsciente et féroce, et destination en même temps, plutôt que destinée. » Entendons ici que la pratique psychanalytique a joué pour lui un rôle fondamental. L’expérience de l’écriture s’associe à cet exercice qui fonde sa poétique : une connaissance de soi par la dépossession, ainsi qu’il qualifie l’état de voyance caractéristique de la séance de psychanalyse. Né à l’île Maurice en 1932, Jean Fanchette mena une double carrière de neuropsychiatre et de psychanalyste, tout en créant une revue de littérature bilingue, Two Cities. Il reconnaît avoir une dette non seulement envers son pays natal, son île d’origine et le continent africain, mais aussi envers ceux qui l’adoubèrent : Jean Paulhan, René Char, Lawrence Durrell et bien d’autres.
Dans sa préface, Le Clézio souligne à quel point cette œuvre trop tôt interrompue lui semble comparable à celle de Rimbaud : « Chez l’un comme chez l’autre se trouve la nécessité d’accéder au réel, non le réel du quotidien, mais le réel qui se cache au cœur des choses, l’éblouissement, la charge sensorielle, la vérité esthétique. » L’exil, la « négritude », et la « cassure » entre l’ici et l’ailleurs sont ici en permanence reconsidérés à l’aune de la puissance émancipatrice des mots : « L’envergure d’un mot fait éclater / les parenthèses du monde et allume / ce qu’il nous reste à nommer de clarté. » Si la forme versifiée l’emporte tout d’abord, celle-ci s’altère peu à peu donnant lieu à une franche liberté verbale. La parole poétique s’élance alors et nous invite à la rencontre d’une humanité à nouveau célébrée.

Emmanuelle Rodrigues

L’Île équinoxe
Jean Fanchette
Préface de J.M.G. Le Clézio
Postface de Michel Deguy
Éditions Philippe Rey, 222 pages, 9,90 €