Un livre

Théâtre public N° 247

La condition écologique
Editions Theatrepublic

En 1974, Bernard Sobel, alors directeur du Théâtre de Gennevilliers, crée la revue Théâtre/Public. Une revue trimestrielle qui, comme son nom l’indique, se destine à entretenir le débat entre le théâtre, tout ce qui touche au théâtre, aussi bien dans ses choix artistiques que dans ses pratiques, et le public entendu au sens large, celui qui va ou pourrait aller au théâtre. Une revue exigeante, documentée, qui ne pratique ni les brèves ni les informations publicitaires. Chaque numéro offre des dossiers fouillés sur des thèmes touchant à la scène bien sûr, à ce qui s’y passe, s’invente, mais aussi à ses rapports avec la société. Comment le théâtre s’empare, ou non, des problématiques actuelles, comment il peut être traversé, bousculé, voire remis en question par les grandes vagues qui viennent baigner régulièrement le monde. Les précédents numéros abordaient l’histoire coloniale, la musique, et les mouvements de la scène actuelle. La nouvelle livraison affronte « La condition écologique ».
Mais dans Théâtre/Public, tout commence par une rencontre avec une personnalité du monde théâtral ou concernée par celui-ci. Cette fois, c’est un passionnant entretien avec la poète Liliane Giraudon. Un entretien particulier d’ailleurs, puisque Olivier Neveux, rédacteur en chef de la revue et intervieweur, pose d’abord les questions qui l’intéressent, pour ensuite nous livrer les réponses de Liliane Giraudon. La pensée a ainsi le temps de se développer, de s’articuler, de digresser pourquoi pas, pour finir par constituer un texte global révélant des rapports ambivalents avec le théâtre : « Le théâtre me manque. (…) Moi je préférais lire le théâtre (…). Au Théâtre sans texte je réponds par le texte sans Théâtre (…) j’ai compris que l’art comme le théâtre est un phénomène de société où une partie de la société est exclue. » Ensuite vient le dossier qui occupe la plus grande partie de la revue et pose nombre de questions : comment l’écologie se vit dans les pratiques théâtrales. Aussi bien dans sa réalisation : pourquoi jeter et détruire un décor lorsqu’un spectacle n’est plus joué, quels sont les lieux dans lesquels peut se pratiquer le théâtre, quel modèle économique pour un théâtre qui se voudrait vertueux, mais aussi dans son histoire avec un retour sur les années 1970 et les précurseurs que furent alors le théâtre de la Carriera, le théâtre de l’Olivier, les Tréteaux de la terre et du vent ou Jean Kergrist, « le clown antinucléaire ». Et puis il y a les expériences contemporaines qui tentent de trouver un nouveau rapport avec les publics, avec les territoires, qui choisissent l’implantation plutôt que la tournée conduisant rapidement d’un point à un autre. Les articles se répondent, se complètent, s’interpellent, tentent de définir ensemble, à travers des exemples précis, ce que pourrait être, peut-être, un théâtre écologique. Dans cette perspective, Jérémie Majorel propose un très intéressant travail autour de la pièce Zone à étendre de Mariette Navarro et Gwendoline Soublin, autrice, puis Frédéric Ferrer, homme de théâtre polyvalent et géographe apportent leurs contributions à ce débat essentiel.
Le numéro se termine par quelques extraits d’un dernier texte de Marion Aubert, Mues, parce que le texte reste quand même le point de départ du travail scénique. Et dans sa note d’intention, Marion Guerrero qui a mis en scène ce texte, pose une dernière question : « Qu’est-ce qu’on a encore à raconter après tant d’années et quand le monde vacille ? » Le théâtre s’interroge, et c’est le moins qu’il puisse faire.

Patrick Gay-Bellile

Théâtre/Public N°247
La condition écologique
Éditions Théâtrales, 112 pages, 16,90 €