Un livre

Sauvagerie

de J. G. Ballard

Editions Tristram

Crash !, Sécheresse, Super-Cannes, etc. Peu d’auteurs de science-fiction auront aussi bien prédit nos catastrophes que James Graham Ballard, dont la puissance de vues en fait aussi un fin sociologue de notre modernité. Dans Sauvagerie (1988), inspiré du massacre de Hungerford, Ballard cible nos sociétés de surveillance et de contrôle, où la violence couve toujours, prête à exploser, sous des modes de vie sécuritaires qui semblaient avoir réussi à la maintenir hors les murs. Ici, ceux d’un « enclos résidentiel » pour classes supérieures, « Pangbourne Village (…) à une petite quarantaine de kilomètres à l’ouest de Londres », où un massacre a lieu en août 1987 : « trente-deux habitants assassinés » et « treize enfants enlevés ». Le roman ou longue nouvelle prend la forme d’un « Extrait du journal médico-légal du Dr Richard Greville », dans le plus pur style clinique, totalement dépourvu d’affects, attendu d’un rapport scientifique. Topographie des lieux, description des vidéos de surveillance, de la scène de crime dont la sanglante sauvagerie tranche avec le décor des pelouses bien tondues et des voitures de luxe garées dans des allées taillées au cordeau. Suivent la liste des victimes upper-class et celle des quatorze « théories diverses » au sujet du massacre.
Les enfants étrangement disparus ? Éveillés, suractifs et brillants. Garçons comme filles, tous promis à se réaliser dans un bel avenir de premiers de cordée. « Leurs résultats scolaires montrent une totale absence de stress dans la vie familiale. » Pourtant se confirme assez vite l’incompréhensible : les tueurs sont les enfants eux-mêmes, et la narration bascule dans les questions scandaleuses du comment et du pourquoi. L’auteur du rapport nous alerte : « Les enfants frapperont-ils encore ? Je considère qu’à présent toute autorité ou figure parentale est une cible de choix pour eux ». Salauds de gosses !

J.D.

Sauvagerie
J.G. Ballard
Traduit de l’anglais par Robert Louis
Tristram, 85 pages, 9,90 €