La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger Foutre la merde

juin 2023 | Le Matricule des Anges n°244 | par Dominique Aussenac

Le nouvel opus d’Horacio Castellanos Moya plonge dans le cerveau d’un émigré déphasé et parano. Dense, puissant et amer.

Ulysse, voyageur de toute éternité, madré et courageux, a laissé son nom à un syndrome, celui du migrant. Il désigne le tourment des êtres obligés de vivre loin de leurs pays. Face à une succession d’épreuves, le migrant doit s’adapter quitte à camoufler, renoncer à son identité d’origine pour survivre à la menace de destruction.
Le Salvadorien Horacio Castellanos Moya, né au Honduras en 1957, en fit maintes fois l’expérience et ce dans d’innombrables pays (Canada, Costa Rica, Espagne, Japon, Mexique…). Il dut notamment quitter le Salvador où la guerre civile sévit de 1979 à 1992. Auteur de treize romans et recueils de nouvelles publiés en français, d’une dizaine d’autres non traduits, il reçut des menaces de mort, l’obligeant encore une fois à s’exiler, après la publication du Dégoût (Les Allusifs, 2005), dans lequel il relate le retour au Salvador d’un exilé et son désenchantement. La violence et le déracinement font partie de ses thématiques qu’il exprime souvent sous forme de monologues introspectifs, aux images et mots très crus, à l’instar de cette phrase de l’Apocalypse de Jean en incipit de L’Homme apprivoisé : « Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. »
Dans ce roman, il décrit le parcours d’Erasmo Aragon, un latino professant dans une université nord-américaine. Accusé à tort d’abus sexuel par une très jeune compatriote qui souhaitait le racketter, il perd son travail et sa tête, finit interné. « La docteure lui a expliqué que ce genre de sentiments, culpabilité et auto-apitoiement, sont des restes de la dépression que la paroxétine n’arrive pas à contrôler. Elle lui a dit que le cachet était comme un excellent gardien de but qui laisse parfois un ballon entrer dans sa cage. Elle cherche presque toujours une comparaison footballistique pour expliquer les problèmes ; elle a longtemps pratiqué ce sport. Lui, il s’est dit que le cachet était comme un gardien qui encaisse des buts toujours du même côté, mais l’image lui est venue après qu’il est sorti de la consultation. Il a perdu les réflexes, l’étincelle, l’envie de provoquer avec des traits d’esprit. »
Une infirmière suédoise lui offre une porte de sortie ainsi qu’une idylle. L’ouvrage nous véhicule alors vers la ville d’un autre syndrome, celui de Stockholm, qui définit le lien étrange qui peut s’établir entre un otage et son ravisseur. Paranoïaque, terriblement anxieux, mais aussi profondément égoïste et macho, Erasmo Aragon devient à la fois sa propre victime et son bourreau. S’ensuit la chronique d’un drame annoncé. Passant outre l’interdiction de consommer de l’alcool, Erasmo explosera dans un pétage de plombs très… scatologique.
Pour clore son Nocturne du Chili (Bourgois, 2002), Roberto Bolaño convoquait, lui, une tempête de merde. Le rapport aux excréments, cher à la littérature médiévale, a disparu de celle contemporaine, occidentale. Le fécal, c’est de la matière originelle que certains enfants et aliénés aiment à offrir. Il peut aussi sous-tendre un rapport de rétention-dispersion propre à l’argent, voire au système capitaliste. Encore faut-il persuader les possédants et les dépossédés de cela ? La merde et la mort sont dans nos sociétés des tabous et il y a dans ce roman comme un conflit de civilisation, de culture où l’archaïque, le brun et le sale emmerdait, en désespoir de cause, l’aseptisé, le blond et le clinquant. Caustique, acerbe et révolté, Castellanos Moya l’est assurément, mais sa grande lucidité élude manichéisme ou discours militant. En choisissant un intellectuel tout en fragilité, il n’en atténue pas sa responsabilité de mâle sexiste. D’une écriture maturée, drue, irradiante, extrêmement claire, ce roman impressionne.

Dominique Aussenac

L’Homme apprivoisé
Horacio Castellanos Moya
Traduit de l’espagnol (Salvador) par René Solis
Métailié, 128 pages, 17

Foutre la merde Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°244 , juin 2023.
LMDA papier n°244
6,90 
LMDA PDF n°244
4,00