Un livre

La Vie simple

de Carlo Ossola

Editions Belles Lettres

Avec son titre et sa couverture dans les bleus pastel, La Vie simple pourrait passer pour une niaiserie feel good à la Matthieu Ricard ou Alexandre Jollien. Le livre vaut mieux. Philologue érudit, Carlo Ossola recense 24 vertus en deux sections, « Pour soi » et « Pour les autres ». Sitôt l’incipit, un dilemme : « « La vie simple » ou « La simple vie » ? » Dante, Bossuet, Pascal, sont convoqués pour opposer à la vie brute réduite aux « forces et besoins de l’ego » la « vie simple et commune » dont, nous dit Ossola, rêvait Roland Barthes sous les traits d’un « « groupe idiorrythmique » (doué d’une harmonie sans compétition et sans arrogance), capable d’être autosuffisant et libre d’obligations  ».
Programmatique, La Vie simple est donc une utopie. Pour autant, l’essai puise dans le quotidien, des anecdotes vécues ou entendues par l’auteur. Ainsi que dans la bibliothèque, où l’on croisera Montaigne, la Bible, Flaubert, Rilke, Gramsci et autres classiques, mais aussi des auteurs mineurs, souvent italiens, qui à la Renaissance ou à l’âge baroque ont écrit des manuels de civilités, de prudence, des traités du courtisan, de droit pénal ou de médecine. Si bien aussi que le livre est une mine. Entre Chesterton et Cicéron, Jacques Chirac qui, insulté par un quidam – « Connard ! » – répond avec « urbanité » (une vertu « pour les autres » c’est-à-dire tournée vers eux) : « Enchanté, moi c’est Chirac ! »
On en apprend beaucoup sur « la franchise », « la patience », « le tact » et bien d’autres. Et sur l’évolution historique de leur sens. Ainsi de la « discrétion », une forme subtile et oubliée du « discernement ». Fascinante et intraduisible comme l’est le duende de Lorca, la piquante vertu de « l’estro  », un je-ne-sais-quoi : « Il déborde parfois dans la fantaisie, dans le caprice, dans le fastidieux surgissement – taon de la pensée – d’une lubie insistante ».

Jérôme Delclos

La Vie simple
Carlo Ossola
Traduit de l’italien par Lucien d’Azay et Olivier Chiquet
Les Belles Lettres, 140 pages, 11,50 €