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juillet 2023 | Le Matricule des Anges n°245 | par Yann Fastier

Avec finesse, Éric Rondepierre se penche sur des images comme autant de madeleines proustiennes et de chausse-trappes baroques.

Curieux petit livre, situé à la frontière – ou la lisière – de plusieurs possibilités littéraires, Exit tient à la fois de l’essai et de l’intuition poétique, de la rêverie et de la plongée dans le souvenir. Arborant le beau sous-titre de « fictions réfléchies », il offre – à travers quatre textes qui se nourrissent les uns les autres et permettent à la pensée et à la mémoire de dériver autour d’un centre flottant – une réflexion et un reflet, celui de son auteur tel qu’il s’observe dans des images faisant office de miroirs plus ou moins déformants ; des miroirs, dit Rondepierre en citant Cocteau, qui « réfléchissent ».
« Le vertige baroque fonctionnait à plein », lit-on vers la fin du livre, alors que l’auteur, qui est également photographe, commente une de ses propres photos. Les images, les siennes et des photogrammes tirés de divers classiques du cinéma, viennent ponctuer, interrompre, enrichir ou contredire le texte. Elles s’ouvrent comme des fenêtres et ce n’est pas un hasard si l’ouvrage se clôt sur les déambulations muséales d’un artiste qui ne s’intéresse justement, dans ces augustes lieux de culture bien ordonnée, pour ne pas dire dévitalisée, qu’à leurs fenêtres, car « les lieux d’art, dans cette perspective, ne sont jamais monotones ». C’est bien cette simple dialectique extérieur/intérieur qui leur redonne vie, les fenêtres y sont de parfaits tableaux ready-made.
La photographie devient « un miroir » qui fait « face au spectateur », mais où il n’y a « personne pour en assumer le reflet ». Comme dans les artifices du siècle d’or, il s’agit de se demander de quel côté de l’image on se trouve. Peut-on la traverser pour mieux saisir ce qu’elle cache dans son envers ? Et d’ailleurs, qui regarde qui ? Le regardeur l’image, ou l’image le regardeur ? À moins qu’il ne s’agisse de sortir du cadre pour mieux s’approprier ce qui se trouve juste à côté, dans un hors-champ révélateur. Et c’est précisément ce hors-champ, qui renvoie aussi bien à l’enfance qu’à un désir de mettre le doigt sur ce qui se joue dans l’expérience sensible, que l’auteur tente d’attraper, sans prétendre y réussir, faisant au contraire de l’incertitude une forme d’écriture en laissant vagabonder l’esprit.
Convoquant Proust et Hitchcock, le film Charade, un certain plan de Buñuel ou les petites baraques du Guignol des parcs de son enfance, Rondepierre propose un parcours impressionniste qui s’ouvre sur le mode autobiographique et s’achève en fiction, même si l’un ne cesse de s’y travestir dans l’autre. Dans ce livre, annonce l’auteur, « les images appellent d’autres images ». Fortes de ce qu’il nomme leur « charge méditative », elles constituent une « archive » à la fois matérielle et impalpable dont Paris constitue le « centre vital ». Il s’agit de franchir des « seuils » pour atteindre le « cœur du film », « un espace profond qui abriterait une densité particulière ».
Les images en mouvement des films, ces « solitudes peuplées » que l’on regarde même sur les « chambres à dormir debout » que sont devenus les ordinateurs, tirent l’auteur par la manche. Il doit appuyer sur pause pour mieux tenter de saisir le souvenir déclenché par l’irruption sur l’écran d’un lieu de sa jeunesse, entraperçu dans un coin, à la lisière donc, comme disposé à sortir du plan. L’image figée devient un mouvement intérieur que l’écrivain tente de déployer sur la page : « J’ai toujours pensé que le film était bien plus que le film et qu’il donnait sur d’autres paysages – intérieurs ou extérieurs – et que ses dons de réalismes favorisaient des fonctions mineures de coïncidences ». Les temporalités se confondent, « la distinction de ce qui est et ce qui fut » devient flou, et le lecteur se laisse porter par cette errance mélancolique.

Guillaume Contré

Exit
Éric Rondepierre
Marest, 120 pages, 19

Hors cadres Par Yann Fastier
Le Matricule des Anges n°245 , juillet 2023.
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