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Théâtre Piscine du dernier étage

septembre 2023 | Le Matricule des Anges n°246 | par Patrick Gay Bellile

Comment colorier en bleu la grisaille du quotidien, par Clémence Attar.

Les Enchantements

Les bruits sourds des grands ensembles
Editions Théâtrales

Sous-titrée « Les bruits sourds des grands ensembles », la pièce de Clémence Attar nous transporte dans une cité aux immeubles baptisés de noms de fleurs : Les Hibiscus, Les Magnolias, Les Cerisiers. Mais d’arbres il n’y a que les noms. C’est l’été, il fait très chaud. Caniculaire. Au café Magno, les anciens, les darons, discutent foot, météo, travaux et mots croisés. Évoquent quelques faits divers. La routine, un peu désespérante, de ceux qui attendent que ça se passe. En bas des immeubles, ou dans leur petit appartement, les jeunes, désœuvrés, filles d’un côté et garçons de l’autre, échangent des combines pour lutter contre la chaleur, blaguent, se chicanent, jouent, rêvent et tentent de s’inventer un avenir. Et surtout gambergent autour de l’éternelle problématique : comment gagner de l’argent. Et l’imagination, sans limites, est au rendez-vous : « On monte un biz qui concerne que les cheuris chte jure attends un truc de ouf genre chais pas on va allumer les feux dcheminée en hiver FRERE C’EST ULTRA BENEF genre tsais ils aiment trop avoir du feu dans leur chminées mais ils ont toujours la flemme d’allumer bah BAM nous on y va on les allume on prend l’bif on part ». Et pendant ce temps passent et repassent devant les immeubles des groupes d’enfants en maillots de bain. Ils se rendent à la piscine mais reviennent chaque fois penauds parce que la piscine est fermée.
Voilà, le décor est posé, tout est prêt pour que surgisse l’idée géniale : la piscine est fermée ? Eh bien ils vont en faire une en haut des Magnolias, dans un appartement en travaux. Avec ça ils se feront de l’argent et pourront partir à Dubaï. Ou à Marseille plutôt. Donc, ils vont monter un bassin hors-sol acheté à Carrefour et le remplir avec des bouteilles d’eau. Avec un colorant bleu piscine et du chlore. L’idée fait son chemin dans le quartier et, dans l’immeuble voisin, un groupe de filles installent à leur tour La Plage aux Enchantements en versant sur une bâche protectrice du sable récupéré sur les parkings. Pour la plus grande joie des enfants et des habitants qui ne manquent pas de fréquenter en nombre la piscine et la plage.
Voilà une histoire tranquille, plutôt drôle, mais qui derrière ses apparences nous offre une image plus complexe de cette vie des cités. Les rapports garçons/filles, les générations qui se côtoient mais ne vivent pas la même vie, les rêves d’avenir, la violence aussi, des mots, et des gestes évoqués ici ou là au détour d’une conversation. Et puis la langue. On ne parle pas la même au café Magno ou au pied des immeubles. Et quelques échanges de SMS font surgir une autre façon encore de s’exprimer. Sans tomber dans les clichés, Clémence Attar a travaillé cette langue des cités, une langue brute, qui dit ce qu’elle a à dire, qui raconte un monde qui n’est pas celui de tous. Un monde difficile, mais énergique, collectif et qui s’invente en permanence. Elle a aussi décalé la mise en page, utilisant parfois toute la largeur offerte par le livre, ou bien alternant les scènes d’une page à l’autre. Elle nous entraîne, derrière les apparences, dans le quotidien de ces jeunes qui rêvent business dans un monde qui en a fait l’alpha et l’oméga de toute réussite. Ils ne sont pas résignés, alors que la société n’est pas tendre pour eux. Mais tout est possible, y compris d’installer une piscine dans un appartement vide au dix-septième étage de l’immeuble Les Magnolias. Et la pièce se termine en apothéose : « Les piscines débordent, débordent les pièces. / Tout tourne et se déverse. / L’eau reprend ses droits. / S’insinue. / Remplace le béton. / Des mouvements de joie. / On oublie la chaleur. » Pas de misérabilisme, mais une créativité, une envie de vivre qui font plaisir à voir. Et à lire. On a envie de les rejoindre autour de la piscine.

Patrick Gay-Bellile

Les Enchantements,
Clémence Attar
Éditions théâtrales, 106 pages, 12

Piscine du dernier étage Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°246 , septembre 2023.
LMDA papier n°246
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