A l’ombre
Editions Temps des cerises
Il n’est pas nécessaire d’être un voyou pour se retrouver en prison : la guerre, l’arbitraire du pouvoir, l’engagement révolutionnaire, la déviance ou le simple soupçon peuvent conduire à l’ombre. Parmi ces captifs, coupables ou innocents, meurtriers ou voleurs, certains étaient poètes ou écrivains, d’autres le sont plus ou moins devenus. Mais leurs écrits ne relèvent pas tous de la même catégorie. Il y a ceux qui rendent compte des conditions objectives de la « machine-prison » (Foucault) et procèdent d’une littérature-témoignage, et ceux qui, face à l’enfermement vécu comme crépuscule intérieur, apparaissent comme des réponses à des situations existentielles tragiques, ou comme des évocations de la vie en ce qu’elle a d’évident et d’incommunicable. C’est une anthologie de cette littérature carcérale que propose le poète et essayiste Olivier Apert. Elle s’articule autour de sept motifs principaux – la consolation, l’injustice, la révolte, la déshumanisation, l’évasion, la mort, l’ironie – et, mêlant vers et proses, peut se lire comme une sorte de roman polyphonique modulant les états d’âme d’êtres confrontés à la cruauté du sort, à l’abandon, à l’irrémédiable.
On y trouve des auteurs classiques – de Charles d’Orléans à Genet – voisinant avec des truands – Lacenaire, Mesrine – comme avec de grandes victimes d’injustice (Toussaint Louverture, Alfred Dreyfus). On y entend les voix bouleversantes de Grisélidis Réal, de Nerval, d’Olympe de Gouges et celles de méconnus. Mais chez tous domine une confiance dans la parole qui fait de la lecture de cette anthologie la source d’un plaisir paradoxal lié à l’intensité d’une écriture toujours éprouvée comme nécessaire, et à un style de survie qui ne fait pas de différence entre le livre et la vie.
Richard Blin
À l’ombre
Olivier Apert
Le Temps des cerises, 320 pages, 18 €