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Domaine français Une gueuse sans faux-col

octobre 2023 | Le Matricule des Anges n°247 | par Jérôme Delclos

Un roman comme Paris ne sait pas en faire, acide, tendre et grave. Bière belge à déguster.

Ne pleure pas sur moi

Le dossier de presse montre Samuel Lebon, « anachorète à ses heures (…) ingénieur déserteur et photographe couleur ». Il est torse nu, arbore la tignasse et la barbe couleur d’étoupe d’un serial killer nordiste, genre « le Ramoneur des Ardennes » évoqué dans son livre. Posté à une fenêtre en hauteur, il tient un appareil photo, l’accessoire du voyeur professionnel. Le dossier mentionne, en guise d’alibi, qu’il « se consacre actuellement à la littérature dans un donjon panoramique avec vue sur la Belgique » – du carcéral, du pervers ou les deux. Son roman, lui, se situe quelque part entre ce vieux feuilleton mélancolique de l’ORTF, L’Homme du Picardie (péniches, écluses, quais sentant la vase et le poisson-chat), et du porno low cost avec en bande-son du rock de garage. Disons que c’est belge ou frontalier, ce qui déjà promet. À la presque fin de l’histoire, il y aura un chouette carnaval, « le plus réputé de la Belgique », précédé de « la nuit des Trouilles de Nouilles » où les masques – animaux, politiques, vieillards horrifiques – bizutent allègrement les réfractaires au dress code (« Je me fais draguer tous les cinquante mètres. Donald Trump tente de me peloter »).
L’histoire est narrée à la première personne du point de vue féminin et nymphomaniaque de « Darline ». Elle a quitté la péniche conjugale, elle se retrouve énervée on the road avec sa fille handicapée dans une Peugeot, une « 1007 ». Une guinde classieuse, mais les portières s’ouvrent toutes seules et il faut passer la marche arrière pour avancer. La gamine – « Ma fille ratée (…). Complètement foirée » – est ou bien la fille de « Lennon », le grand amour de Darline, ou bien celle de « Simon », un pote à Lennon qui ne lui cause plus, allez savoir pourquoi. Dans ses relations avec sa fille, Darline alterne un agacement qui confine à la colère, des actes d’abandon, et de vives effusions d’amour maternel.
Il y a aussi toute une tapée de types et de meufs qui au long du roman ne songent qu’à sauter Darline ou plutôt c’est l’inverse, c’est elle qui ne pense qu’à ça, le plus souvent le fait avec eux. « J’ai toujours eu de beaux nichons. Ils m’ouvrent beaucoup de portes. On me dit souvent que j’ai une bonne tête. » Mais on devine le stress, rapport à Lennon qui n’en pouvait plus de la gymnastique avec elle et qui a opté, au bout du rouleau, pour la castration – « Orchidectomie bilatérale ». Il mettra sa menace à exécution, et son pote Simon – Darline a toujours un faible pour lui – avec qui il fera la paix, ira le voir à l’hosto. « Simon revient déjà. Il pose un truc sur le buffet. J’avais dit que je ne voulais pas de petit-déjeuner. J’approche, il m’attend entre le pain et les céréales, la main sur un bocal. Deux litchis flottent dans du jus de fruits. Sur l’étiquette un mot à la dymo. Lennon. Je tombe dans les pommes ». On se demande avec Darline si le chirurgien aura présenté à Lennon « le catalogue avec des couleurs un peu tendance  », celui « des couilles en plastique  », et si l’eunuque bande encore. C’est une vraie question, et Darline dans le port d’Anvers mène son enquête auprès des putes : « Je demande à la fille si elle a déjà sucé un mec sans couilles ou en passe de se faire retirer les bourses ».
Il y a bien sûr des frites, sais-tu. Et des bières une fois, servies de façon poétique avec même les rimes : « Le petit dej est glacial, j’aurais bien bu une Orval ». De façon générale, Lebon, l’air de rien, a le beau style : « Les travaux sont en stand-by, le périph a pris perpète, il a plus que jamais sa tronche de fin du monde  » ; et Darline déçue que Lennon ait oublié leur dîner en amoureux : « Je pourrais me fourrer les bougies dans le cul, de toute façon le rituel est foutu » (deux alexandrins).
Le roman serait seulement drôle s’il n’était pas touchant et le personnage de Darline tendre et plus profond qu’il n’y paraissait. La fin de l’histoire surprendra, éclairera étonnamment ce qui la précède. Siouplait, un livre audio avec la voix de François Damiens !

Jérôme Delclos

Ne pleure pas sur moi
Samuel Lebon
Le Dilettante, 155 pages, 16

Une gueuse sans faux-col Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°247 , octobre 2023.
LMDA papier n°247
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