Un livre

La Colère et l’envie

de Alice Renard

Editions Héloïse d'Ormesson

Être pompier ou grimper au plus haut des plus grandes tours de verre de Paris ne donnent pas forcément les moyens et la force d’affronter une enfant qui ne parle pas. « Jamais un mot ». « Elle n’a pas voulu apprendre à parler. Elle n’a pas voulu apprendre nos noms. (…) Jamais un mot, aussi petit soit-il, qui ait du sens, ou qui nous soit adressé. (…) je me demande comment elle fait pour vivre sans rien. Dans un monde qui doit lui sembler tellement aléatoire et absurde. » Ainsi parlent les parents d’Isor, dans une alternance de monologues qui tentent de percer le mystère de cette enfant mutique. « Elle affronte quelque chose (…) que nous ne voyons pas », dit la mère. Chacun de ses gestes est étudié à la loupe, toutes les hypothèses sont échafaudées. Si Isor adore regarder les documentaires animaliers, c’est que, pour le père, « ce monde où chaque activité est essentielle lui paraît idyllique : manger, dormir, chasser… Je crois que c’est cette simplicité qui l’attire ». Le silence d’Isor, sa capacité à transformer une pièce rangée en un véritable capharnaüm, le sentiment qu’elle vient d’ailleurs – « Ses larmes surtout me font peur et me sont étrangères. Impossible de se reconnaître, ni pour moi ni pour personne, dans ces larmes-là » dit le père, alors que la mère lui trouve « des allures de prêtresse » –, l’absence du corps médical, créent un huis clos étouffant. Un vieil homme brisera cette spirale. Il s’appelle Lucien. Entre lui et Isor une histoire d’amour grandit, pleine d’enchantement et de poésie. Dans ce premier roman, Alice Renard fait entendre une voix singulière, entremêlant les dispositifs narratifs. La Colère et l’envie dresse le portrait d’un personnage hors norme qui « n’adopte ni les gestes de son âge, ni les gestes de son sexe, se fichant bien de ce qui est convenable comme de ce qui est utile ». Un personnage qui se rêve et se réinvente en toute liberté.

Virginie Mailles Viard

La Colère et l’envie
Alice Renard
Éditions Héloïse d’Ormesson, 160 pages, 18 €