La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine étranger Le poète et la révolution

octobre 2023 | Le Matricule des Anges n°247 | par Christophe Dabitch

Dans ce récit du Bulgare Anguel Igov, il est question d’une révolution dominée par la terreur et d’un jeune poète qui s’y épanouit, ou presque.

Nous sommes en septembre 1944 en Bulgarie, plus précisément dans un quartier de Sofia. Le coup d’État communiste vient d’avoir lieu, l’Armée rouge est entrée dans le pays, la guerre n’est pas encore finie mais c’est le temps du grand renversement révolutionnaire. Le tsar Boris III avait auparavant instauré une tyrannie, conquis des territoires avec l’aide de l’Allemagne nazie, signé le pacte tripartite tout en évitant la déportation à une part importante des juifs bulgares. L’histoire du pays est aussi longue et riche que méconnue par les Européens de l’Ouest : Anguel Igov (né en 1981) se doit ainsi de préciser certains éléments pour que l’on comprenne son récit tout en mettant en scène la question morale qui l’intéresse (choisir ou ne pas choisir la Terreur et l’élimination radicale de l’ordre passé) – et en racontant l’itinéraire d’un jeune poète, Emil Strezov, qui gravit les échelons jusqu’à devenir accusateur public, un rang certes subalterne mais qui peut par exemple permettre d’exiger la mort d’un autre poète, celui-là bourgeois et jouisseur.
« Et qui d’autre pourrait le dire, sinon Emil Strezov que nous vîmes, cette nuit-là, par la fenêtre, le front appuyé contre la vitre, le regard fixé sur l’obscurité enneigée, dehors, sans qu’il nous voie, sans qu’il ne voie rien d’autre que le symbole de son humiliation et de sa rage. »
D’une certaine façon, Les Doux est un récit historique : il évoque un temps, une histoire et un lieu précis mais il le fait avec une approche littéraire et imaginative. Cette double dimension se retrouve dans les choix narratifs de l’auteur qui aboutit à un style composite. D’un côté un mystérieux chœur qui observe le jeune poète, des incursions dans des flux de conscience, une multiplicité de points de vue, des pratiques de citations (articles, poèmes, textes de propagande), des épiphanies poétiques ; de l’autre des dialogues explicatifs, un narrateur omniscient, des repères et faits précis. On sent ainsi les stratégies littéraires d’un auteur qui fait feu de tout bois pour nous faire ressentir l’évocation d’une époque qui résonne sans doute autrement pour un lectorat bulgare.
« Mais ces écrivaillons, dites-leur ceci : vous êtes des misérables, vous êtes des ignares et des crétins, des lèche-culs et des couards, fichez le camp, ne nous mettez pas des bâtons dans les roues et demeurez à l’écart (…) C’est un châtiment suffisant pour eux. »
Et Anguel Igov parvient grâce à cela à nous immerger dans ce temps de confusion radicale avec un trio de protagonistes : le jeune poète Emil Stretov donc, qui a quelque chose d’un Lacombe Lucien devenant révolutionnaire pour plaire à une fille, son copain bègue et la jeune fille en question, Liliana, pure et dure de la geste révolutionnaire. Un autre personnage porte la contradiction morale sur l’utilité et le sens de ces tribunaux populaires en charge de la répression préventive, d’autres encore manient la faucille sans interrogation excessive. Le pire étant qu’Emil Strezov se met à croire à sa mission jusqu’à l’absurde. Anguel Igov développe une idée passionnante à son propos : c’est la faiblesse et non la force qui est au cœur de l’itinéraire d’un jeune tyran. Il montre également les rouages d’un temps terrible avec son lot de décisions hasardeuses et son obsession de trouver les preuves qui accablent les traîtres. Ainsi, ici comme ailleurs, les renversements majeurs ressemblent à des éléments naturels : « Et la mort tomba sur la ville comme de la neige ».

Christophe Dabitch

Les Doux
Anguel Igov
Traduit du bulgare par Marie Vrinat-Nikolov
Intervalles, 196 pages, 19

Le poète et la révolution Par Christophe Dabitch
Le Matricule des Anges n°247 , octobre 2023.
LMDA papier n°247
6,90 
LMDA PDF n°247
4,00