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Égarés, oubliés Une chatte sous le toit

octobre 2023 | Le Matricule des Anges n°247 | par Éric Dussert

Auteur d’un seul livre, le Tarbais Henri Guigonnat (1942-1997) a connu un destin littéraire proche de celui de Jean-Pierre Martinet : retour à la maison familiale et oubli.

Au début de l’année 1974 paraît un livre flanqué en couverture d’un énorme œil. C’est celui de Démone, un chat protagoniste de la fantaisie romanesque intitulée Démone en Lituanie. Une Lituanie qui a tout de la Pologne de Jarry, un pays imaginaire où des personnages, vivant en château, au milieu des champs entretenus par ce qui semble des serfs. Le livre est accueilli dans un contentement général et reçoit le Prix de l’insolite que la ville de Tarbes a créé pour l’occasion (né le 2 juillet 1942, Henri Guigonnat est un enfant du pays, fils d’un restaurateur). Une traduction établie par Barbara Wright paraît chez New Direction aux USA en avril 1985. La New York Times Book Review déclare à cette occasion que son « style impassible est imbattable » et le compare à Lewis Carroll, Andersen, Firbank, Hoffmann, Sterne et Voltaire… Les éloges de la critique française avaient plu aussi neuf ans plus tôt. Pour l’auteur, qui a écrit le livre par émulation du groupe d’amis réunis autour de Leonor Fini (d’où la présence du chat) comme le peintre Stanislao Lepri (qui dessinera des ébauches pour illustrer Démone en Lituanie), ce succès ne sera pas synonyme d’envol. Guigonnat restera pris dans les griffes de sa créature et finira sa vie, comme Jean-Pierre Martinet mais sans doute pour des raisons un peu différentes, le 16 juillet 1997 dans la maison familiale du 32 de la rue du Maréchal-Joffre à Tarbes.
Au moment de son décès, il est invalide. « Je crains, écrit-il dans une lettre à sa traductrice anglaise, je crois, de radoter dans la tristesse. Cette année a été épouvantable. J’ai quand même réagi à la mort de maman et puis – phénomène de digestion lente ? – j’ai totalement sombré. Je ne vais pas fort – moral et physique – et tous les ennuis pratiques, matériels me tombent sur le dos car je ne sais pas les régler, en ne parvenant bien sûr pas à me régler. Solitude extrême et sans humour : mon frère et ma sœur m’ont totalement abandonné au sort de cette maison grande et glaciale, à mon sort (…). Il a fait un froid glacial et comme je ne pouvais faire rentrer du chauffage pour raisons matérielles, j’avais l’impression d’être un personnage, balzacien, égaré dans un gros livre. Un de ces personnages que l’on ne lit pas… Heureusement, depuis quatre jours, il fait très doux et j’ouvre même les fenêtres et sens délicieusement le soleil. »
Ami de Copi, de Bob Smith et Jean Seberg, d’Hector Bianciotti et du vidéaste Thierry Kuntzel, il a commencé sa courte carrière dans l’édition à des travaux mercenaires mais les choses ne se déroulent jamais très bien, ni très longtemps. Il se fait bouler trois ou quatre fois de différentes maisons, dont Julliard. En mars 1974, la novellisation d’un scénario romantico-mièvre de Grosspierre, Assayas (Raymond) et Quercy paraît sous sa signature, sans effet. Fatalement, il est expulsé de la rue Dauphine, squatte chez des amis puis chez Grégoire de Tours ou dans le Marais lorsque Thierry K. est aux USA. Guigonnat finit donc par se replier à Tarbes, une ville qui l’ennuie quelque peu…
« C’était le matin, très tôt. Le Soleil dissipait ses dernières brumes quand un avion de tourisme parut, tel un point dans le ciel » Dans sa Lituanie imaginaire encombrée de lacs froids et de forêts, à peine moins inquiétante que la Transylvanie mais aussi mélancolique, Henri Guigonnat met en scène dans son château un peu gothique un petit théâtre tout ce qu’il y a de fantastique avec un abbé libertin, qui danse la gavotte au son des tambourins, un séducteur passablement inquiétant, des êtres parfaitement libres, une vieille dame voilée, une dame de compagnie avec queue poilue (Baba Sonine), le grand-père Emeric, polycollectionneur, grand-mère Casimira, pharaonique, qui lit et brode, demoiselle Kinga, sujette aux migraines à l’instar de la Dame aux Camélias, et son frère le narrateur, l’adolescent myope Max-Ulrich.
Dans une permanente bonne humeur, sous la protection apparente de la chatte Démone, que l’on dirait issue d’un livre de Lovecraft… (ses proportions prennent chaque jour plus d’ampleur), une succession d’événements curieux ne cesse de surprendre ce petit monde, au rythme des sorties nocturnes de la chatte de Max-Ulrich (il est clair qu’il a ses faveurs), un félin décidément étrange, nourri de légumes et de desserts « continentaux ». On raconte bien que des enfants disparaissent, mais allez savoir… Ce qu’on ne dit pas assez c’est à quel point l’imagination de Guigonnat donne à son livre une aura de livre unique. Elle y règne, avec l’humour, et comme la chatte Démone, en maîtresse absolue. Le critique Jelenski avait fourni une formule épatante à sa lecture, comparant Guigonnat à « Benjamin Rabier contemplant un Rembrandt ».


Éric Dussert

Une chatte sous le toit Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°247 , octobre 2023.
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