Un livre

Inculte, collectif littéraire

Editions Septentrion

Groupe littéraire : regretter leur disparition. » Au cliché français sur la fin des groupes, cousin du cliché sur la fin de la littérature, le chercheur Jean-Marc Baud a tordu le cou. En étudiant le collectif Inculte, fondé il y a bientôt vingt ans, toujours actif, il a su montrer la vitalité de la communauté en littérature et l’inventivité d’écrivains réunis autour d’une revue (jusqu’en 2011), puis d’une maison d’édition, et lors de rencontres publiques. La gageure de sa thèse, qu’il publie sous le titre simple Inculte, est de définir la posture ou « grammaire groupale » d’un collectif fluctuant (comptant entre autres Claro, Arno Bertina, Hélène Gaudy, Mathieu Larnaudie, Jérôme Schmidt, Oliver Rohe, Maylis de Kergangal, Mathias Énard, Joy Sorman ou François Bégaudeau un temps), aux œuvres divergentes, et qui récusent les attributs habituels de l’avant-garde en préférant un « leader disséminé », un « manifeste introuvable », et l’« assourdissement de la polémique ». Malgré cet art de l’esquive, des traits distinctifs apparaissent : le cocktail du potache et du savant qu’on pourrait résumer par « foot, rock and Deleuze », la présence américaine, l’attirance grandissante pour les formes documentaires, la dimension politique d’une revue « politisée mais pas engagée » et d’un groupe qui aurait « remplacé l’idéal révolutionnaire » par « l’exigence démocratique », façon convergence des luttes (voir Le Livre des places). Tout universitaire qu’il soit, l’essai de Jean-Marc Baud est très clair, vif et a l’intérêt de mêler les approches, historique, sociologique (étude du champ éditorial, des trajectoires individuelles d’auteurs et des formes de « camaraderie » – dont resteraient à étudier les imaginaires masculins) et textuelle (analyse d’ouvrages individuels ou collectifs, comme Une chic fille écrit à treize mains) – et de se tenir à juste distance critique de son sujet. Il met ainsi en lumière les ambivalences du collectif, entre institutionnalisation et indépendance, adhésion et distanciation face aux mythologies modernes – preuves de l’énergie inculte.

C.B

Inculte, collectif littéraire
Jean-Marc Baud
Septentrion, 330 pages, 26 €