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Essais Dialogue méditerranéen

juin 2024 | Le Matricule des Anges n°254 | par Emmanuelle Rodrigues

Dans un remarquable essai, Yannis Kiourtsakis parvient à faire converser, aussi différents soient-ils, Albert Camus et le poète Georges Séféris, deux écrivains restés fidèles à leur incessant désir d’une humanité réconciliée.

Camus et Séféris. Une affaire de lumière

La Méditerranée, nous dit d’emblée Yannis Kiourtsakis, est « une et plurielle ». C’est bien à cet espace géographique, historique et culturel que Camus et Séféris auront puisé leur œuvre à la fois profondément singulière et ancrée dans la modernité du XXe siècle. Comme il le rappelle, Camus qui provient d’un milieu populaire et modeste, adhérera à 22 ans au Parti communiste algérien : « Solidaire de la classe ouvrière, Camus sera très vite attiré par l’action politique ». Grâce à ses romans, à son théâtre et à ses essais philosophiques, il n’aura eu de cesse de compter parmi les intellectuels majeurs de la France des années 1940-1950. Issu d’une famille grecque de la bourgeoisie aisée de Smyrne, Séféris embrassera une tout autre carrière. Après des études de droit, il deviendra diplomate tout en se tenant à distance de l’action politique. Pour Camus, la langue française restera celle qui le relie à l’universalisme, alors que pour Séféris, la langue grecque n’a plus ce rôle, au point qu’il prononcera en français son discours de réception du prix Nobel. À partir de la source populaire et orale de sa langue maternelle, Séféris enrichira et forgera la sienne, travaillant à son tour à cette stratification de la langue grecque depuis Homère. Il est ainsi l’auteur d’une œuvre poétique « moderne et cosmopolite ». Il n’en reste pas moins que Camus et Séféris furent bel et bien marqués par leur appartenance à la modernité, partageant une commune sensibilité à l’humanisme. Chacun d’eux est également porteur du « vécu d’une double patrie transformée en double exil qui a aiguisé le sentiment tragique de l’histoire et approfondi leur vision du monde de leur temps. »
Grâce à sa connaissance approfondie de leurs écrits, Yannis Kiourtsakis nous propose de les faire dialoguer. En se référant à l’essai pour lui essentiel de Camus, L’Homme révolté, il relève cette perpétuelle quête de sens animée par le refus du nihilisme, misant alors sur une foi en l’homme. Rappelant la pensée de midi, chère à l’auteur de L’Envers et l’endroit, il souligne à quel point cette opposition du oui et du non, de l’absurde et de la révolte, est à mettre en parallèle avec « cette tension permanente de l’être » qui se retrouve, nous dit-il, chez Séféris. Tous deux partagent en outre une même indignation face à l’ubris européenne (que ce soit du fait des deux guerres mondiales, de la guerre civile grecque, ou du colonialisme). Ainsi, affirment-ils que « le choix ethico-politique de l’artiste, à partir du moment où il devient conscient, suppose une responsabilité de plus en plus lourde de nos jours ». Et cela même fait écho à cette remarquable pensée de Séféris : « Personne ne peut accomplir entièrement sa dette dans le monde de la négation. »
C’est donc par l’art, la création, que s’ouvre à nouveau un monde possible, à hauteur de ce que l’humanité entrevoit de son destin. Mais cela ne va pas sans un travail constant, profond, et sans fin que l’artiste accomplit afin de répondre à ce vœu que les deux écrivains auront énoncé d’une « fraternité spirituelle ». Ce sont là de très belles pages consacrées à cette lumière méditerranéenne que Séféris nomme « angélique et noire », lumière matricielle et berceau de ce que Camus qualifiait de « tragique solaire ». La lumière est leur affaire, affirme Kiourtsakis, signifiant à la fois « amour et désespoir de vivre ». Au fond, dans leur recherche éperdue de l’homme, ces deux magnifiques écrivains n’auront eu de cesse de célébrer l’acte créateur qui rend à l’être humain sa dignité, ou encore tel un miraculeux élan, ce que Camus appelait sa « part d’éternité » et Séféris, sa « part de Dieu ».

Emmanuelle Rodrigues

Camus et Séféris. Une affaire de lumière,
de Yannis Kiourtsakis
La Tête à l’envers, 80 pages, 17

Dialogue méditerranéen Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°254 , juin 2024.
LMDA papier n°254
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