Un livre

Le Chant des ronces

de François-Xavier Dianoux-Stefani

Editions Omara

Elles envahissent tout, s’insinuent partout, font éclater les pierres, les murets, la civilisation des montagnes de la Castagniccia et même la culture et la langue corses, ces ronces de la mémoire et du temps. François-Xavier Dianoux-Stefani, né en 1981, n’utilise pour les essarter ni le pic, ni la hache, mais bien la plume qu’il manie pareillement, ainsi qu’une subtile finesse. Il révèle à travers une vingtaine de nouvelles un passé fantomatique, celui de l’enfance, de ses grands-parents et un présent où règnent violence et ennui. Ces textes courts, parfois miniatures nostalgiques, à la mélancolie lucide revêtent toutefois les oripeaux d’une modernité, celle de la fin du siècle dernier, du rock, de la pop de Springsteen à Depeche Mode, en passant par les Smashing Pumpkins et des tas de groupes corses, ainsi que des références littéraires – Borges, John Fante, Jim Harrison, Philip K. Dick et les poètes insulaires.
Dans la châtaigneraie, l’auteur fait surgir l’incongru, le réel et le fantastique. César, un vieux du village, mort depuis 1987 réapparaît, déchirant le funeste, évoquant l’aujourd’hui, une si belle matinée dans les jardins. Un vieux tank coincé dans la pierraille et les branches se mue en utérus, un pâtre du plateau en ultime berger astronome, tandis que l’animateur de Radio Cosmos éructe dans la nuit. Une librairie oubliée s’élève au milieu d’un désert vert de gris ; quant au ventre d’un arbre, il accueille un bar. Une écriture puissante porte ces écrits piaffant tels des chevaux entravés. « Ces espaces sont notre dernier trésor. Une odeur de terre mouillée, de fleurs de châtaignier, de charogne abandonnée, de maquis en fleur, d’alcool, d’animal, de miel sauvage, de poudre, de sang, de tabac, de menthe des rivières, de sueur, de vase. Cela vient de la nuit des temps mais c’est cette chose que l’on est encore un peu. »

Dominique Aussenac

Le Chant des ronces
de François-Xavier Dianoux-Stefani
Omara, 144 pages, 18 €