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Domaine étranger Fascination du vide

novembre 2023 | Le Matricule des Anges n°248 | par Thierry Guichard

En faisant le portrait d’une famille bourgeoise de la banlieue de New York, Hope fait le procès d’une Amérique déconnectée de toute vie intérieure. Plus glaçant que drôle.

Le deuxième roman du jeune Américain Andrew Ridker (né en 1991), auquel on doit Les Altruistes (Rivages, 2019) a été salué par The New York Times selon ces termes cités en quatrième de couverture du nouvel opus : « Les personnages d’Andrew Ridker ratent leur vie dans les grandes largeurs, mais ils sont irrésistiblement attachants. » Étrange lecture d’un roman où les Greenspan issus d’une famille aisée ne ratent pas tant leur vie (ils ne deviennent ni pauvres, ni réfugiés, ni malades, ni handicapés) mais restent jusqu’à la fin totalement antipathiques. À commencer par le paternel, Scott, cardiologue reconnu qui magouille des essais cliniques en falsifiant des échantillons de sang pour lequel un laboratoire pharmaceutique le paie bien. C’est que le bonhomme est affligé d’une mère octogénaire aux exigences coûteuses et d’une progéniture qui n’attend rien de moins que la permanence d’un confort déjà acquis. Deb, sa femme, semble sortie d’un épisode de Desperate Housewives, et vise à devenir une personnalité incontournable du quartier (banlieue aisée mais pas assez pour faire partie de la haute société), en se démenant pour accueillir (pas chez elle, faut pas exagérer) une famille de réfugiés syriens. Deb, dont la progéniture s’apprête à voler de ses propres ailes, propose à Scott de vivre une vie maritale libre, chacun pouvant batifoler de son côté. Elle, lorgne du côté d’une femme poète, puis de Joan une militante très influencée par Milton Friedman qui s’emploie à détruire les écoles publiques au profit de ses propres écoles privées. Lorsque Scott aura été pris en flagrant délit d’escroquerie, Deb ira vivre avec Joan ; on se demande pourquoi, tant sa maîtresse semble générer plus de testostérone que son ex. À moins que ce soit précisément pour cette raison.
Maya leur fille est une sorte d’apprentie Madame Bovary. Entichée de son prof de lettres de la fac, la jeune femme entre dans une maison d’édition spécialisée dans le best-seller, pas littéraire pour un sou. Le dernier grand coup éditorial de la boîte aura été la publication d’Enfoncez les tous, ou comment être une vraie s***pe en salle de réunion. Les pages sur les comités éditoriaux sont probablement les plus réussies du roman. L’encre d’Andrew Ridker s’y montre (enfin !) corrosive. Maya finira par se faire virer sans qu’on en soit un peu ému. Reste Gidéon, le dernier à entrer en scène, puisque le roman propose d’épouser à tour de rôle le point de vue de chacun des membres de la famille. Gidéon emprunte le chemin suivi par son père comme par fatalité. Il se destine à des études de médecine dont tout (y compris sa petite amie) montre qu’elles ne sont pas faites pour lui. La révélation du délit paternel lui fera quitter la voie toute tracée. Le roman ici prend un chemin nouveau, s’ouvre vers l’extérieur, nous embarque vers Israël. On espère Gidéon capable d’un élan salvateur, celui qui lui permettrait de combler le vide dont il est l’héritier. On trouve dans cette ultime partie du roman la métaphore qui le résume. Gidéon et sa fiancée passent quelques jours dans la maison de l’aïeule où se trouve un pommier planté par Scott pour la naissance de son fils : « l’arbre avait l’air grand, beau et sain avec ses feuilles dentelées et son large tronc à l’écorce un peu détachée, même si ses racines avaient pénétré dans la fosse septique, rendant les pommes trop toxiques pour être comestibles. »
Si l’on suit jusqu’au bout les Greenspan, ce n’est pas parce qu’on s’attache à eux. Pas plus pour la qualité des dialogues (on est loin toutefois d’un Bret Easton Ellis) ou celle du style au pragmatisme simpliste. Mais peut-être parce qu’on reste fasciné par la pauvreté intérieure des personnages, fruits pourris d’une Amérique aux racines corrompues. Sans vie intérieure, chacun reste imperméable au monde, dans l’attente de simplement tomber de sa branche.

Thierry Guichard

Hope
Andrew Ridker
Traduit de l’américain par Laetitia Devaux,
Éditions de l’Olivier, 427 pages, 24

Fascination du vide Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°248 , novembre 2023.
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