Ana Iris Simón, trentenaire et journaliste à El País, signe un premier roman qui a fait grand bruit en Espagne lors de sa sortie, en 2020. Elle a été illico propulsée voix de la génération Podemos, ces indignés, enfants de la crise.
Dans le premier chapitre, « J’envie l’existence qu’avaient mes parents à mon âge », à part quelques formules amusantes, l’écriture est plate et le contenu assez atone. Certes, sa génération a eu la chance de « copuler dans tous les sens à Bruxelles grâce à ce bidule qu’on appelle Erasmus, qui n’est rien d’autre qu’une stratégie d’union dynastique du XXIe siècle, une bourse pour que les classes moyennes se mélangent et chopent joyeusement des MST européennes ». Pour le reste, le message est limité : elle vit en collocation, avec une étagère Ikea et un iPhone, alors que ses parents étaient installés, mariés, et… parents. Difficile de se passionner quand elle relate telle info sur Facebook ou sur WhatsApp. Heureusement, ça devient rapidement plus intéressant. Elle raconte avec beaucoup d’entrain (et toujours ce style très simple) son enfance, ses parents, ses grands-parents. Les grands-parents étaient forains, ils allaient de ferias en marchés, toujours sur la route. Elle, qui a longtemps eu honte de cette ascendance prolétaire, en fait un récit vif, joyeux, qui respire la sincérité, accompagné de photos de famille.
En prime, elle nous offre une leçon de journalisme, basée sur une anecdote. Quand elle avait 7 ans, en classe, le surgissement d’une souris a provoqué l’effroi des élèves. Quand il a fallu écrire un texte sur cet incident, Ana Iris a adopté le point de vue de la souris, et elle a été récompensée pour sa rédaction. L’enfant raconte ce succès à son père. « C’est très bien, m’a-t-il félicitée, mais je ne devais pas faire ma crâneuse. » Des années plus tard, en fac de journalisme, elle constate qu’elle n’a appris « rien de plus important que ce que mon père m’a enseigné en CE1 : lorsqu’on écrivait, lorsqu’on observait, on devait toujours être la souris et ne jamais faire sa crâneuse. Et il fallait du courage pour l’un et l’autre. »
Anne Kiesel
Feria
Ana Iris Simón
Traduit de l’espagnol par Anne Plantagenet
Globe, 272 pages, 22 €
Domaine étranger Feria, d’Ana Iris Simón
novembre 2023 | Le Matricule des Anges n°248
| par
Anne Kiesel
Un livre
Feria, d’Ana Iris Simón
Par
Anne Kiesel
Le Matricule des Anges n°248
, novembre 2023.