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Domaine étranger Invitation au Banquet

mars 2024 | Le Matricule des Anges n°251 | par Dominique Aussenac

Le Brésilien Bernardo Carvalho questionne notre rapport au monde d’avant et après-Covid. Un pied de nez métaphysique et malicieux.

La Dernière Joie du monde

Enfanter aujourd’hui tient du défi, du pari hasardeux sur un avenir nébuleux. N’en déplaise à ce président aussi impérieux qu’impétueux, dont les formules martiales intiment à un réarmement reproductif. La fragilité climatique et environnementale de la planète, les guerres, l’avènement des extrêmes droites et de matamores illibéraux n’augurent rien de bon. Mais qu’en fut-il en période de Covid ?
Au Brésil, le virus fit près de 700 000 victimes, tandis que Jair Bolsonaro se lavait les mains. Elle engendra pourtant un garçon. Elle, lui, comme tous les personnages de cette fable, ne seront jamais nommés, portant uniquement le titre de leur fonction. Elle est sociologue, écrit aussi des romans sous un pseudonyme masculin. Dans un atelier d’écriture, elle entendra une universitaire fustiger ainsi un de ses livres. « Vous voyez de quoi est capable l’imagination masculine ! Les insanités qu’un homme peut penser d’une femme ! Vous remarquerez le vocabulaire. Jusqu’où peut conduire le ridicule de ses fantasmes ?! » Bernardo Carvalho floute les identités aussi patronymiques que sexuelles, insistant sur les couleurs de peau. Un écrivain, un infirmier, un journaliste, une étudiante, un amant et oracle constituent les autres protagonistes. Le seul nommé sera Alcibiade, jeune bellâtre qui surgit jadis dans une fête, ivre, jaloux, énamouré de Socrate dont il provoqua la perte. Socrate qui nous invita à nous connaître nous-mêmes. Ce qui n’est pas la démarche des acteurs de l’ouvrage fait d’itinérance et de huis clos conversationnels théâtraux, qui partent questionner un oracle.
Larguée par son mari au début de l’épidémie après vingt ans de vie commune, notre sociologue est tombée enceinte d’un étudiant qu’elle ne rencontra que deux fois. Avec son bébé, elle vient interroger le devin, pour le retrouver. L’oracle ne l’a pas toujours été. Noir, bras droit et amant d’une riche veuve descendant d’esclavagistes blancs, il troqua la mémoire qu’il aurait perdue pendant le confinement pour un don de voyance. Il fut sauvé du Covid par un choix léonin que dénonce une étudiante. L’hôpital ne possédait qu’un respirateur, or deux personnes de couleur devaient être intubées. « Ils étaient pareils, mais jusqu’à ce que l’un d’eux soit considéré comme moins noir que l’autre, et même blanc. »
L’oracle se pare des atours simplistes et spiritualisants de L’Alchimiste du fumeux Paulo Coelho. « J’ai entendu des choses incroyables sur cet homme. Quand il entre en transe, il ne voit pas seulement l’avenir, il peut aussi établir un contact avec l’univers invisible, faire un voyage dans le monde microscopique. Il parle de la terreur des cris des virus, répondit l’homme aux lunettes. » Mais la construction du roman en mosaïque complexe et les interrogations philosophiques du moraliste subtil, lucide, parfois cynique et sarcastique qu’est Bernardo Carvalho, journaliste, voyageur, traducteur, auteur d’une douzaine de romans, rapproche ce dernier d’un Borges.
Les questions que souhaitent poser les différents acteurs, tournent autour de notre présence au monde, sa dualité sous forme de corps et âme, de fantôme de soi, de jumeau caché, d’enfant à qui on transmet, de livre qui la dévoile… Bref de la mémoire, de sa perte et de sa transmission, de la responsabilité que nous avons de nous-mêmes. Quelle est cette dernière joie du monde que propose le titre ? Celle de sortir de la torpeur dans laquelle le présent et l’inquiétude du futur nous figent pour réapprendre à philosopher et à dénoncer les enfumeurs de tous bords. Le premier mot que prononcera le très jeune enfant de l’héroïne, devant l’oracle : « Canaille ! »

Dominique Aussenac

La Dernière Joie du monde
Bernardo Carvalho
Traduit du portugais (Bresil) par Danielle Schramm
Métailié, 130 pages, 19

Invitation au Banquet Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°251 , mars 2024.
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