Monique Wittig, la déflagration
- Présentation Guériller la langue
- Papier critique Une entrée dans l’arène
- Papier critique Dans la cohorte ailée des mots
- Bibliographie Bibliographie
- Entretien « Faire revenir Wittig sur la scène littéraire »
- Entretien Tracer des voies
- Autre papier Souvenirs anticipés d’une biographe
- Autre papier Savoir vivre avec son accent
- Autre papier Partenariats
Éditrice et activiste lesbienne, Suzette Robichon a cofondé l’association des Ami·es de Monique Wittig il y a dix ans. Elle a créé la revue Vlasta, revue des fictions et utopies amazoniennes dont elle a dirigé le seul numéro – jusqu’à aujourd’hui – consacré à Monique Wittig et dans laquelle est publiée pour la première fois la pièce de théâtre, Le Voyage sans fin, en 1985. Suzette Robichon était une amie de la romancière et militante, et la transmission de son œuvre lui doit beaucoup. Dans un café parisien de fin d’hiver, tout près du jardin Monique Wittig, nous l’avons rencontrée.
Suzanne Robichon, quel genre de personne était Monique Wittig ?
Il est difficile de répondre car Monique Wittig était une amie, et elle n’aimait pas que circulent sur elle des éléments personnels. Wittig, elle était réellement là, présente au monde, et ses livres en sont la preuve. Quand elle était à Paris, j’adorais la voir, dîner avec elle, et avoir de longues conversations en regardant la Seine couler. Elle parlait aussi bien des chants d’oiseaux que de littérature, de ce qui faisait sa vie, là-bas et ici. Nos échanges étaient libres et faciles.
Comment l’avez-vous rencontrée ?
L’œuvre de Wittig m’accompagne depuis toujours. D’abord L’Opoponax, puis tous les livres au fur et à mesure de leur publication. J’ai toujours suivi son travail, même si je ne comprenais pas toujours au début la portée littéraire de son écriture, mais à chaque page c’était un choc, le choc des mots. Elle faisait, et elle fait toujours, partie de mon paysage littéraire. Puis il y eut la publication en 1980 de La Pensée straight se concluant par la phrase « les lesbiennes ne sont pas des femmes ». J’étais entièrement d’accord avec son analyse et cette conclusion. Ce texte a provoqué des mouvements assez violents suscitant une scission entre certaines féministes et lesbiennes. Je trouvais qu’elle était vraiment maltraitée, mais je ne la connaissais pas personnellement encore.
Quel état des lieux feriez-vous de sa présence aujourd’hui dans le paysage littéraire et social ?
Sa présence dans le paysage littéraire s’est de nouveau développée au cours des dernières années. C’est d’abord par l’édition en français de La Pensée straight qu’elle a été connue par une nouvelle génération. Puis, que ce soit à travers les deux colloques organisés sur elle en France, ou les lectures que nous avons organisées en tant qu’association, ou d’autres initiatives, son œuvre littéraire a circulé de plus en plus. Les articles dans les journaux et les rééditions en témoignent. Elle est présente aussi dans le champ artistique, les chorégraphies inspirées par le rythme du texte des Guérillères (les spectacles de Marta Izquierdo Muñoz, Marinette Dozeville, Théo Mercier et Steven Michel, et bien d’autres). Elle existe aussi dans l’espace public par la dénomination du jardin Wittig dans le 14e arrondissement, inaugurée en 2020, par certaines de ses phrases...