La rédaction Feya Dervitsiotis
Articles
Faire tomber les écailles
Célébrée par Thomas Bernhard, Ingeborg Bachmann était une figure importante de la littérature d’après-guerre. Réédition de ses pièces radiophoniques – des textes inclassables sur la langue face à l’Histoire.
Chacune de ces quatre pièces radiophoniques, écrites et diffusées entre 1952 et 1958, se situe entre l’essai et la mise en scène d’une lecture. Ingeborg Bachmann y joue plusieurs rôles – « auteur », « narrateur », « speaker », « critique » – pour aborder la vie et l’œuvre de deux écrivains et de deux penseurs, autrichiens et français, du premier XXe siècle. Robert Musil, Ludwig Wittgenstein, Simone Weil, et Marcel Proust écrivaient de façon coextensive à l’Histoire et, pour cette raison, les lire permettrait de « voir correctement le monde ». Bachmann déplie ces univers complexes avec...
Tombeau pour soi-même
Le traducteur Olivier Le Lay prête une vie nouvelle à l’énigmatique Mars du Suisse Fritz Zorn, écrit avec la mort en ligne de mire.
Lorsqu’il a une trentaine d’années, Fritz Angst apprend qu’il a un cancer ; il commence à écrire en 1976 et meurt la même année, un jour après qu’on lui a annoncé la publication de son texte. Ce dernier – des « mémoires » selon Gallimard – est certes à la première personne et autobiographique, mais à aucun moment il ne nomme quiconque de son entourage, ni d’autres lieux que la « rive...
L’impossible fin
Les éditions Cambourakis font paraître un livre attendu de l’écrivain hongrois László Krasznahorkai. Présenté comme un achèvement par son auteur, Le Baron Wenckheim est de retour se tient plutôt au bord de l’abîme.
On reconnaît László Krasznahorkai à ses phrases longues et tortueuses, obsessionnelles, qui semblent faites pour égarer celui qui les traverse. À ses images crépusculaires, hallucinées, d’une beauté terrifiante – cadavres de baleine, invasions de camions-citernes, amoncellement d’ordures et masses anonymes affamées de destruction y sont monnaie courante. Sous un ciel hongrois écrasant, des...
Des livres
En éclaireur
de
Yoko Tawada
L' Ange transtibétain
de
Yoko Tawada
Écrire depuis aucun pays
Yoko Tawada signe deux textes de l’étrangeté (l’un en allemand, l’autre en japonais) dont l’opacité et l’exigence ne masquent pas leur éthique de l’altérité.
En éclaireur est une dystopie. Dans un Japon aux frontières fermées et aux langues étrangères bannies, le centenaire Yoshiro rêve aux mots et aux tournures disparues, tandis que la contamination de la terre tue son arrière-petit-fils. L’Ange transtibétain s’apparente à une variation moderniste autour de la fascination d’un jeune homme troublé (il se nomme lui-même « le patient », est parfois...
La littérature comme dissidence
À travers des personnages consumés par la littérature, l’écrivain chilien Alejandro Zambra raconte l’utopie discrète d’une génération qui a grandi sous la dictature. Ou comment un pays peut avoir la poésie pour diapason.
La raison d’être des deux premiers textes d’Alejandro Zambra, Bonsaï (2006) et La Vie privée des arbres (2007), était l’image de cet arbre qu’on empêche de grandir. Ses livres sont et ne sont pas des romans. Comme un bonsaï, comme un poème, ils ont été taillés jusqu’à leur plus simple expression, et tous deux se lisent en moins d’une heure. Son troisième, Personnages secondaires (2011), est...