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Théâtre Démolition à tous les étages

juillet 2024 | Le Matricule des Anges n°255 | par Patrick Gay Bellile

Jeton Neziraj s’en prend avec humour et férocité à deux monuments de la littérature européenne.

Le Projet Handke / retour de Karl May (2019-2022)

C’est toujours un grand plaisir de retrouver le dramaturge kosovar Jeton Neziraj ; son ironie, ses prises de position sociales et politiques, son engagement pour la défense de son pays, le Kosovo, au statut international toujours fragile. Car le rôle du théâtre est aussi de prendre part à la vie politique, de se glisser derrière les discours officiels et les idées toutes faites pour les éclaircir ou les dénoncer. Il convient de rappeler que la guerre en ex-Yougoslavie a fait près de 140 000 morts, que la Serbie et un certain nombre d’autres pays ne reconnaissent pas l’indépendance du Kosovo et que le président serbe Milošević a été poursuivi par le Tribunal pénal international pour crimes contre l’humanité et génocide après le massacre de Srebrenica. Il est mort avant la fin du procès.
C’est dans ce contexte historique que Jeton Neziraj revient aujourd’hui avec deux pièces, Le Projet Handke et Le Retour de Karl May. Sous-titré « La justice face aux stupidités de Peter », Le Projet Handke est un pamphlet contre l’écrivain autrichien et sa nomination au prix Nobel de littérature. Parce que Peter Handke a toujours soutenu le régime de Slobodan Milošević, allant même jusqu’à nier les massacres de Srebrenica. En France, sa présence aux obsèques du dirigeant serbe et le discours qu’il y prononça provoquèrent une vague d’indignation et, entre autres, la déprogrammation de l’une de ses pièces à la Comédie-Française. Et le débat s’installa autour de cette problématique : doit-on séparer l’œuvre de l’artiste ? La question est bien sûr toujours posée pour Céline en raison de ses écrits antisémites, mais également pour Picasso en raison de son rapport avec les femmes. Pour Neziraj, la réponse est évidente : l’artiste et son œuvre ne font qu’un. « L’esthétique sans éthique n’est pas possible, tel est le message du théâtre de Neziraj » écrit Alida Bremer dans sa préface au texte. Et l’auteur va s’employer à le démontrer. Mais Neziraj n’écrit pas des essais politiques. Il écrit du théâtre, avec toute la distance et les différents procédés que lui permet la scène : scènes dialoguées, adresses au public, interventions des acteurs eux-mêmes, monologues intérieurs, narrations… Le texte est vif, enlevé, toujours drôle, parfois de mauvaise foi mais nous sommes dans un pamphlet et dans un pamphlet l’excès devient la norme.
L’autre pièce, Le Retour de Karl May, met en scène une compagnie de théâtre kosovare venue en Allemagne prêter main-forte au grand théâtre de Berlin, la Volksbühne, en proie à une grave crise. C’est une opportunité pour les Kosovars. Et donc nous assistons aux répétitions du spectacle qu’ils comptent présenter là-bas. Un spectacle sans texte, improvisé à partir du livre de Karl May À travers le pays des Skipétars. Karl May est l’un des auteurs allemands les plus vendus dans le monde. Notamment pour ses romans d’aventure au Far West. Son texte présente les habitants des Balkans comme la littérature et le cinéma américains ont longtemps présenté les Indiens : des sauvages. Alors Neziraj s’en donne à cœur joie. La bouffonnerie le dispute à la méchanceté. Le metteur en scène fait ce qu’il peut, les acteurs ne sont pas en reste, le comité Nobel refait son apparition, de même que Peter Handke qui revient et « accouche d’un bébé étrange, une créature avec la tête de Trump, mais avec un corps de loup. » Et hurle à tout-va : « C’est de la fiction, tout ça, c’est de la fiction ». En ces temps de grande morosité, les saillies féroces et drolatiques de Jeton Neziraj font du bien. Avec lui, l’irrévérence ne manque pas d’avenir.

Patrick Gay-Bellile

Le Projet Handke
et Le Retour de Karl May
de Jeton Neziraj
Traduit de l’albanais (Kosovo) par Sébastien Gricourt
L’Espace d’un instant, 114 pages, 15

Démolition à tous les étages Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°255 , juillet 2024.
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