La rédaction Feya Dervitsiotis
Articles
Helsinki retrouvée
Journal intime fictionnel de l’architecte allemand qui créa la capitale finlandaise au début du XIXe siècle, le sensible roman de Jukka Viikila entrelace destins de ville et d’homme.
Dans ce roman qui a valu à l’auteur le prix le plus prestigieux de Finlande, il y a d’abord l’histoire d’une domination peu discutée chez nous. Élément exogène, l’Allemand Carl Ludvig Engel conçoit les églises, écoles, prisons, phares qu’il dessine pour ce qui était alors un grand-duché russe comme « les feuilles d’un arbre immense, l’arbre du tsar ». On y parle allemand et suédois dans les rues, finnois au-dehors. La Finlande apparaît à l’architecte comme une forêt profonde, et Helsinki comme un bloc de rocher inhospitalier et sombre, de la pierre froide qu’il faut « faire exploser en...
Le corps neutre
Dans son troisième roman, Catherine Lacey déjoue les déterminismes. Une fable jusqu’au-boutiste sur l’identité et la communauté.
Un être qui fluctue entre homme et femme, dont la peau s’assombrit ou s’éclaircit selon les jours, qui peut avoir l’air d’un enfant comme d’une personne âgée, d’un archange comme d’un domestique, est retrouvé un dimanche, sur un banc, dans l’église de la communauté WASP d’une petite ville américaine. Banc – que l’on baptise ainsi pour pouvoir au moins lui assigner une origine – passe de main...
Un livre
Heureux soit ton nom

de
Sotiris Dimitriou
Généalogie d’une frontière
Dans ce premier roman traduit de l’écrivain grec Sotiris Dimitriou, trois voix restituent la désagrégation de leur communauté par l’Histoire.
Il est connu en Grèce comme un auteur prolifique dont l’originalité se façonne à l’os d’un désespoir radical : touchante et brutale, l’œuvre de Sotiris Dimitriou tord le cou au réalisme pour évoquer le sort des victimes de la modernité. Ses sujets toujours « engagés » ne s’accomplissent pas dans une finalité documentaire mais dans une particularité formelle qui vient remuer l’inconscient...
Une Jeanne d’Arc des antipodes
Zulma poursuit la traduction de l’œuvre férocement novatrice d’Antonythasan Jesuthasan. Une reconstitution de l’univers tamoul, sa violence et sa beauté, à travers un portrait de femme.
On connaît son visage depuis la Palme d’or de Jacques Audiard, Dheepan, où il tenait le premier rôle, mais c’est dans ses écrits que l’on entend sa voix et à travers elle, l’histoire de tout un peuple qu’il tire de l’oubli. Exilé en France depuis 1993, Antonythasan Jesuthasan se déplace dans l’espace du roman à sa guise. La Sterne rouge enserre un récit de guerre dans une construction...
Natures russes
Le deuxième roman du russophone Alexander Ilichevsky frappe par son originalité. Au bord d’une rivière, des hommes discutent du sort d’une femme toxicomane, incapable d’être sauvée. L’auteur, installé en Israël, livre une métaphore de la Russie contemporaine.
Nous sommes au début des années 2000 lorsque Solomine – un ancien homme d’affaires retiré à la campagne pour trouver le calme et peindre enfin – est de passage à Moscou, ville abhorrée où la police guette à chaque coin de rue et qu’il se félicite d’avoir quittée. Le jeune quarantenaire entre dans le taxi d’une femme qui ressemble à Greta Garbo et qu’il désire instantanément. Cette « gracieuse...