La rédaction Sophie Deltin
Articles
Promesse subversive
Le regard d’insouciance miné par la révolte d’Irmgard Keun, écrivaine allemande à succès des années trente, méconnue en France.
Dans Quand je serai grande, la narratrice, une enfant pétillante à l’imagination insatiable, accumule les bêtises et les infractions à l’ordre petit-bourgeois dont au fil des jours, elle démasque, mine de rien, les cécités et les lâchetés d’adultes. Dans cette chronique bien ancrée dans le contexte de la fin de la Première Guerre mondiale, à travers laquelle on peut déjà déceler les signes insidieux d’une société encline au conformisme et à l’inertie de la pensée, terrain idéal de tous les totalitarismes, la petite fille se heurte en premier lieu au moralisme hypocrite et misogyne de sa...
Un livre
Séjours à la campagne
de
W.G. Sebald
Compagnons d’âme
À travers six portraits d’artistes parus en 1998, W.G. Sebald effectue, en guise d’hommage, un inoubliable pèlerinage littéraire au cours duquel l’auteur allemand souligne toute l’ambiguité de l’acte d’écrire.
Conformément à sa conception de l’écriture comme entreprise d’exhumation de restes contre le cours irrésistible de l’oubli, Sebald donne voix (et images) à des destins intimement liés à l’écriture, et plus ou moins ensevelis dans les gravats du passé (Johann Peter Hebel, Gottfried Keller) ou qui ont failli rester inaperçus dans les archives de l’Histoire (Robert Walser).
La « prédilection...
Le réel est son double
Fin XVIIIe, Venise. Nous sommes en compagnie d’un jeune Autrichien qui sous la coupe d’un domestique perfide, y rencontre des femmes. C’est en fait moins l’intrigue qui importe que ce glissement continuel éprouvé par le jeune Andréas entre les possibilités d’un réel jamais univoque, mais bigarré et constamment diffracté par la trajectoire de l’amour, du faux-semblant, de l’abandon et de la...
Un livre
Demain est écrit
de
Pierre Bayard
Au commencement était la fin
Si le temps passé habite l’écriture, les mots ne portent-ils pas aussi en creux le poids de l’avenir ? Dans son nouvel essai, l’écrivain et psychanalyste Pierre Bayard bouleverse l’ordre des liens entre l’écriture et la vie.
Déjà dans son surprenant et très stimulant essai Peut-on appliquer la littérature à la psychanalyse ? (Minuit, 2004), Pierre Bayard contestait, en l’inversant, la double position de supériorité et d’antériorité dans laquelle on place depuis Freud la psychanalyse par rapport à la littérature, se proposant alors de reconnaître à celle-ci une capacité autonome de réflexion (plus exactement de...
Un livre
Nous sommes
de
Gila Lustiger
Bien vivants
Gila Lustiger réinvestit dans « Nous sommes » son nom et sa filiation à travers le portrait et l’histoire de sa famille. Avec pour figure principale son père, juif polonais déporté à 15 ans et rescapé d’Auschwitz.
Chez Gila Lustiger, il y a, à l’impulsion du geste d’écrire, une force muette chevillée au corps l’héritage d’un silence qui depuis son enfance, s’est déposé en elle. Son nouveau roman se présente comme l’affermissement de ce vide innommé, redécouvert un jour d’automne, lorsque furetant dans une librairie parisienne, elle tombe par hasard sur un livre dans lequel son père, l’historien Arno...