La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
Un livre
Adrienne ou la liberté
de
Robert Detry
Ni ange, ni démon
Voici une première tentative romanesque assez déroutante. Séduisant parfois, irritant quelques fois, Adrienne ou la liberté donne l’impression d’avoir été composé dans ses propres marges, de n’exister qu’en dehors de soi. Comme si l’écriture avait été le fruit d’une colonie de mites qui auraient choisi, assez arbitrairement, de ne consommer que certaines phrases du roman. Il reste de quoi...
Un livre
Logoden et autres îles
de
Alain-Michel Boyer
Logoden et autres îles
Alternant le vers et la prose, Alain-Michel Boyer a construit une ode aux îles bretonnes en forme de chapelet. On canote d’une île à l’autre en se faufilant entre de frêles esquifs qui n’excèdent guère souvent les deux pages. Ce joli livre pourrait d’une certaine façon servir de guide à condition que l’on veuille visiter un paysage breton purement mental. En effet, rien ne charme plus...
Un livre
L' Infigurable
de
Yaël Cange
L’infigurable
L’écriture poétique de Yaël Cange nourrit une incessante irritation. Née d’un drame qui en constitue son soleil noir, la phrase de ces poèmes s’érige en lambeaux, vidée de sens parfois, mutilée, hachée, redondante. Ce qui est infigurable (l’absence) est aussi indicible, mais la douleur au moins peut constituer comme la partition d’un chant d’où l’harmonie est exclue. Le verbe souvent...
Un livre
Maleterre
de
Didier Goupil
Entre Rimbaud et Carjat
Neuf nouvelles d’un jeune auteur taraudent la question de la création et de ce qu’elle mérite qu’on lui sacrifie. Maleterre de Didier Goupil.
Didier Goupil est, à l’évidence, un lecteur de Pierre Michon. L’affirmation pourrait reposer sur quelques thèmes de son recueil de nouvelles Maleterre. De C’est un Chef-d’œuvre qui ouvre le recueil à L’Ogre qui le clôt, ce jeune écrivain de 32 ans aime tremper sa plume dans la palette des peintres. On songe alors àVie de Joseph Roulin et Maîtres et serviteurs de Michon (Verdier). On...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...