La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
Un livre
Patiences
de
Valérie Rouzeau
Patiences
A pas même trente ans, Valérie Rouzeau débroussaille les pages des mots en trop comme si elle n’avait fait que ça dans sa vie. Sa poésie pèse juste ce qu’il faut d’encre pour ouvrir de longs silences qui parlent plus que de vaines figures lyriques. Ironiques parfois « Peut-on retarder novembre/ dérégler toutes les horloges ?/ elle se pose de ces questions », graves souvent « Pourquoi font-ils...
Un éditeur
Un vent nouveau
Difficile de ne pas remarquer les livres produits par une jeune maison d’édition : éolienne dont le travail soigné met de très beaux textes à la portée de tous. Sortie notamment de Huttes à la lisière de Luc Dietrich.
Ici, un bonhomme de terre cuite pointe son museau à travers une découpe ronde sur la couverture du roman d’Isabelle Duval Un Homme à la mer (mai 1994), là le dessin coloré d’un roi couronné, apparaît à travers la découpe de la couverture de L’Enfance de Salomon de Claude-Henri Rocquet (décembre 1994) ; pour La Finale de la coupe du monde d’Alain Adaken (mai 1994), le lecteur a droit à un...
Un éditeur
Jacques Brémond : un éditeur dans ses papiers
Installé entre Nîmes et Avignon, l’éditeur Jacques Brémond fête ses vingt ans d’édition. Résolument tournée vers la poésie, sa maison se distingue par un travail singulier sur le papier et la typographie. Rencontre avec un artisan-éditeur.
Le chant des cigales, l’intensité d’un soleil plombé et la nonchalance du Gardon qui coule au seuil de la belle maison du XIXe siècle qu’il habite inciteraient plus Jacques Brémond à la sieste qu’au travail. Barbu comme un pâtre grec, élancé comme ces pins du Sud qui bordent les vignes, l’éditeur épouse le rythme d’une vie sous la canicule. A tel point que ses services de presse proposent...
Un auteur
Un appel au coeur
Eric Holder évite de parler de son travail. La littérature s’échange de lecteur à lecteur. Aussi l’écrivain est-il plus prolixe lorsqu’il s’agit d’évoquer « les anciens » et même « les modernes » dont parfois, il s’inspire.
Mener une interview avec Eric Holder, c’est s’exposer aux digressions de la conversation. L’écrivain n’aime pas tant parler qu’écouter son interlocuteur. Une bouteille de rouge sur la table, le feu dans la cheminée, les chats et le chien de la maison ensommeillés sur un fauteuil ou un tapis ; il faut s’accrocher à son carnet de notes pour garder le fil de l’entretien. Dans ses réponses...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...