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Domaine étranger Le vertige du vide

février 1994 | Le Matricule des Anges n°7 | par Alex Besnainou

Avec Mr Vertigo, Paul Auster quitte son habit de conteur existentiel pour se lancer dans une tentative de roman aérien. Un envol sans enthousiasme.

Auster est un écrivain à la trajectoire impeccable. S’affinant livre après livre, il s’est renouvelé sans jamais perdre sa ligne directrice, essentielle, souterraine : récurrence de l’identité, du double et des jeux de hasard. Avec Léviathan, son précédent roman, il était arrivé à une sorte de point d’orgue de sa quête interne. En ayant en quelque sorte mis en place dans la réalité sociale, étendue aux confins d’une nation, sa propre recherche intérieure, il avait réussi ce tour de force de faire de l’intime particulier un symbole universel. Difficile d’aller plus loin. Mais il ne faut pas cantonner Auster à cette sorte de plasticien des questions existentielles. Au-delà des sous-entendus métaphoriques de ses romans(1), Auster a le don de la narration, raconter encore et toujours une histoire qui, pour si invraisemblable qu’elle soit, sonne toujours juste. Par exemple, la construction du mur dans La Musique du hasard s’équilibre d’elle-même, par le simple pouvoir de l’écriture. Dans un autre registre, Revenants mettait à vif par la simplicité même de sa narration, la question primordiale de l’être pensant : qui suis-je ? Avec Mr Vertigo, dernière publication en date dans une année prolifique, Auster pousse ce don en avant et désarçonne dès la première phrase : « J’avais douze ans la première fois que j’ai marché sur l’eau. » Sans d’autres explications, nous voilà embarqués dans la vie de Walt Rawley. Walt semble être un de ces gamins traîne-misère de l’Amérique des années vingt, plus ou moins livrés à eux-mêmes et promis à une destinée plutôt délinquante. Bien sûr la vie de Walt ne va pas se dérouler suivant cette prédestination car apparaît Maître Yehudi : « Tu ne vaux pas mieux qu’un animal. Si tu restes là où tu es, tu seras mort avant la fin de l’hiver. Si tu viens avec moi, je t’apprendrai à voler. ». Maître Yehudi tient sa promesse. Mais pour apprendre à voler, il faut franchir trente trois degrés qui semblent être d’atroces épreuves. Walt se plie à ces tortures de plus ou moins bonne grâce jusqu’à ce qu’un jour ses pieds décollent du sol : Walt sait voler. Il se perfectionne, met au point un numéro et le voilà sur les routes avec son Maître pour soir après soir s’enivrer de ses prouesses au cours de représentations publiques. On s’installe donc gentiment dans un conte rondement mené. Auster a d’un trait de plume réalisé le rêve le plus vieux de l’homme : s’élever dans les airs, et on suit Walt de près pour voir où ce diable de gamin va nous mener. La réponse finit par arriver : nulle part. La puberté de Walt a raison de son don, la magie réintègre ses pénates, le roman se met à bifurquer brutalement dans une autre direction : Walt-la-Débrouille dans le monde difficile des années trente. Que reste-il de cette expérience fulgurante du vol ? Rien pour ainsi dire, la seule chose qui semble avoir marqué notre jeune héros étant son éphémère célébrité. Auster, contrairement à son habitude n’imprime pas en nous ses questions secrètes, ses variations sur thèmes indéfinis. On cherche en vain la cohérence interne de cette histoire étrange.
Ce livre manque singulièrement d’épaisseur, de résonnance et d’âme. Il est parfaitement écrit, sans temps mort, rebondit quand il le faut, se coup-de-théâtralise à bon escient mais ne laisse aucune trace spécifique à l’intérieur de l’être. Auster a touché du doigt le rêve mais n’a pas bien su quoi en faire.

(1) De 1970 à 1979, l’écriture d’Auster était consacrée à la poésie. Les Editions Unes se sont associées à Actes Sud pour nous donner à lire l’ensemble de cette œuvre poétique servie par un beau travail éditorial. Disparitions (160 pages,120 FF)

Mr Vertigo
Paul Auster

traduit de l’américain
par Christine Le Bœuf
Actes Sud
317 pages, 135 FF

Le vertige du vide Par Alex Besnainou
Le Matricule des Anges n°7 , février 1994.