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Domaine étranger Panizza, Oskar du fiel

février 1994 | Le Matricule des Anges n°7 | par Philippe Savary

Ecrits de prison confirment les obsessions de ce pamphlétaire enrégé pour qui « l’asile, la prison ou la fuite », restaient les seules issues possibles.

Ecrits de prison

En 1891, alors qu’il était médecin, Oskar Panizza avait tenu une conférence intitulée Génie et folie (1) devant un parterre de psychiatres et de juristes. Il évoquait le destin de ces grands génies succombant à la maladie mentale. Prophétique. Quelques années plus tard, en 1905, celui que Breton surnomma « le scorpion du calice » était interné au sanatorium Mainschloss, près de Bayreuth. Il y resta seize ans avant de s’éteindre d’une crise d’apoplexie. Dans un dernier élan rageur, il chargea deux avocats d’obtenir sa radiation de la nationalité bavaroise, et vint peu à peu à refuser toute conversation en allemand.
Son travail d’écrivain ne fut que le reflet de son existence. La vie de Panizza se résume à une longue déperdition jalonnée de mandats d’arrêt, d’enfermements et de scandales, au gré de ses publications. En 1898, il doit quitter la Suisse « pour avoir eu des rapports avec une prostituée de quinze ans ». En 1904, on le retrouve se promenant à demi nu dans les rues munichoises. La folie devint finalement le seul refuge désiré et acceptable pour cet écrivain qui fit de son œuvre hallucinante et blasphématoire une ode sulfureuse contre la perversité de toute forme de croyance établie (Etat, Eglise).
Son premier forfait, il le commit avec le Journal d’un chien, où sous le regard canin, défile, en un répertoire macabre et nauséeux, toute sa répugnance pour l’espèce humaine. Le second, Le Concile d’amour, qui lui valut une année de prison, raconte, dans la Rome de la Renaissance, comment Dieu envoya la syphilis aux hommes pour calmer leurs ardeurs liberticides et comment ce précieux philtre d’amour contamina tout le Saint-Siège.
La publication de ses Ecrits de prison qui rassemblent des extraits de son journal tenu pendant sa détention (extraits seulement, le reste n’a pu être déchiffré), cinq Dialogues dans l’esprit de Hutten, et un court pamphlet sur Munich (L’Adieu à Munich) confirment, une fois de plus, le champ obsessionnel de Panizza. On retrouve là sa verve tachée de sang, fustigeant la religion, le peuple allemand en général, (« ce peuple de lourdauds et de larbins (…) tendre espèce de bouchers, qui débitez pour votre clientèle le cœur de Jésus et la poitrine de Marie immaculée avec la même élégance que vos charcutiers côtes et côtelettes ») et les Bavarois en particulier (« il fallait à ces habitants (…), à cette race herculéenne, tout en nuque et en poils et le couteau dans la braguette, une religion vraiment enfantine, larmoyante et d’une douceur féminine, quelque chose de tendre enveloppé de bleu -comment émouvoir autrement ces nerfs de bœuf ? »). On pense, bien sûr, avec ces quelques lignes, à la fougue avec laquelle Thomas Berhnard vitupérait sa terre natale mais là où l’écrivain autrichien traduit une colère désespérée, Panizza choisit une violence escarpée, tragique.
Oskar Panizza est un exilé de la vie, et il faut rechercher dans ses vomissures, ses éructations -au-delà des réponses aux persécutions dont il fut l’objet- un moyen de percer l’intrigante quête de l’esprit. Son systématisme dans l’archarnement, monomanie tiré au paroxysme, laisse parfois percer des éclairs de lucidité comme cette analyse de l’univers carcéral : « Aujourd’hui, on n’étire plus le corps mais l’âme, jusqu’à ce qu’elle soit hébétée ou broyée (…) l’âme ne criant pas directement mais se recouvrant lentement, telle la grenouille enfermée dans un bocal… ». On ne saurait conseiller cette lecture de l’abîme. Le dernier cri du noyé avalé par les tourbillons de son destin.

(1)Les éditions Ludd ont publié dernièrement
cette étude, suivie de Psychopathia criminalis.

Ecrits de prison
Oskar Panizza

traduit de l’allemand
par Pierre Gallissaires
Editions Ludd
139 pages, 115 FF

Panizza, Oskar du fiel Par Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°7 , février 1994.