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Domaine français L’homme aux souvenirs

octobre 1994 | Le Matricule des Anges n°9 | par Thierry Guichard

Le quatrième roman de Gilles Leroy cultive un passé familial en forme de malheur. Avec la figure du Père idéal, en jardinier de l’utopie.

Est-ce l’imminence du nouveau millénaire ? Depuis quelque temps les romanciers français qui ont réussi à quitter le champ ultra labouré du « moi » fouillent leur passé familial (ou celui de leur narrateur) à la recherche d’une cohérence nouvelle qui leur permettrait de franchir allègrement le fossé de l’an 2 000. Cette quête leur offre au moins la possibilité de tracer à l’encre l’empreinte de leurs aïeux et leur propre cheminement dans le siècle. Comme si ce dernier était un navire en perdition auquel les marins qui le quittent laissent les mémoires de ce qu’il fut. L’épave, au fond des eaux obscures, offrira aux explorateurs de quoi se perdre en conjonctures. Ainsi avions-nous salué le beau roman de Frédéric Boyer Comme des Anges (P.O.L). Ainsi les jurés Goncourt ont-ils rendu hommage à Jean Rouaud pour ses Champs d’honneur (Minuit). On pourrait de même considérer Gilles Leroy comme l’une de ces vigies plus préoccupées de retrouver le chemin déjà parcouru que de scruter l’abîme dans lequel on s’enfonce. On pourrait s’inquiéter d’une démarche d’écrivain qui, rejettant le monde dont il se sent lui-même rejeté, se replie, non plus sur le moi des années 80, mais sur le nous familial des années Balladur. Mais si Les Jardins publics débutent par une condamnation sans appel de notre société, la quête familiale du héros n’apparaît jamais comme celle d’un refuge paisible. Il y a de la souffrance dans la réminiscence d’un passé arraché à des albums de photos. Les clichés sont l’œuvre de la grand-mère, veuve par la grâce de la Seconde Guerre mondiale. C’est d’ailleurs comme une coutume dans cette famille d’avoir des pères absents, disparus. L’émotion pourrait venir de là, de ce mariage avec le malheur dont chaque enfant héritera, jusqu’à Muriel, l’enfant trisomique. Il suffirait d’aligner les faits pour faire de nous des spectateurs médusés et navrés d’une histoire familiale, dont finalement, on n’a que faire malgré Lou, la mère, autour de qui tourne le roman. Mais Gilles Leroy a laissé de côté le pathos et l’affliction, même s’il caresse parfois la tentation de s’y laisser aller. Beaucoup de chapitres de ce roman commencent même par un simple « C’est… » comme s’il était nécessaire, par la platitude de l’introduction, de désarmer a priori la poignante émotion issue du souvenir. Le narrateur n’a pas connu la plupart des événements dont témoignent les clichés de la grand-mère. Mais les longues phrases, où le ressassement des gestes et des mots plantent une multitude de virgules, indiquent bien jusqu’à quel point cette histoire du temps passé est sienne aujourd’hui et émerge de son propre corps par le biais de l’écriture. Gilles Leroy depuis Habibi son premier roman et surtout, depuis Maman est morte n’a cessé d’avancer sur cette voie d’une littérature sans cesse menacée par un trop plein d’amour que l’absence et le manque pourraient détourner vers un grossier sentimentalisme exarcerbé. Le fil de l’écriture est étroit et l’écrivain ici, se sert de sa lucidité comme d’un balancier. Ainsi le portrait de la grand-mère qui, après avoir giflé sa fille la prend dans ses bras obéissant ainsi à « un élan qui, s’il n’était pas l’amour, était au moins l’oubli de la haine ». Cette implacable « cruauté » de « l’homme aux souvenirs » permet au roman d’offrir aux disparus un sens à leur vie. Et aux vivants l’espoir que d’immortels jardins fleuriront un jour au cœur des cités.

Les Jardins publics
Gilles Leroy

Mercure de France
336 pages, 120 FF

L’homme aux souvenirs Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°9 , octobre 1994.
LMDA papier n°9
6,50