La rentrée littéraire donne traditionnellement des ailes aux éditeurs. La nouvelle saison arrive et l’escalade des qualificatifs bienveillants frôle l’impudence. Ainsi, Mémoires d’un rat du polonais Andrzej Zaniewski serait un ’’livre exceptionnel’’ un « événement littéraire » à lui tout seul. Rien que cela ! Parlons plutôt d’originalité, tout au plus. Né en 1940, Andrzej Zaniewski est un écrivain qui a beaucoup voyagé, beaucoup observé et particulièrement les rats. Accroché à ses convictions selon lesquelles toute forme de vie provient de la même source, il attribue tout naturellement au rat intelligence, sentiments et mémoire. Notre héros rongeur, ainsi personnifié, voit-il défiler, à l’aube de sa mort - et c’est l’histoire- sa périlleuse existence. Les milliers de kilomètres parcourus dans les ténèbres des caves, entrepôts et cales de bateau à la recherche d’une tranquillité à jamais menacée par un appétit insatiable et un biotope hostile : « J’ai la diarrhée et mes poils me tombent par touffes », ou encore, « tout ensanglanté, j’ai regagné mon nid avec une patte foulée, le dos déchiré et la queue cassée. Me voilà bien mal en point ». A côté, une vie de chien paraît des plus privilégiées. Solitaire et brillant partenaire sexuel, il découvre donc la dure réalité de la préservation, les guerres de clans et les ravages de l’homme. Rendons-lui hommage. L’auteur, dans une vie antérieure, a sûrement porté des vibrisses et mangé du lard : l’étude éthologique du rat est d’une troublante précision, aidée de surcroît par une narration répétitive, linéaire ; sans air ni lumière. L’intérêt se limite malheureurement à cette performance. Faut-il y voir une quelconque métaphore ? Dans la préface, l’auteur ose : « Cher lecteur, n’oublie pas que lorsque j’ai décrit de façon minutieuse et naturaliste l’existence d’un rat, c’est à toi que je pensais ». Le rat, dans ses égouts, et l’homme, dans sa maison, s’en trouvent fort aise.
Mémoires d’un rat
Andrzej Zaniewski
traduit du polonais
par Christophe Jezewski
et Dominique Autrand
Belfond
271 pages, 120 FF
Domaine étranger Rattus, rattus, raté
octobre 1994 | Le Matricule des Anges n°9
| par
Philippe Savary
Un livre
Rattus, rattus, raté
Par
Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°9
, octobre 1994.