Ma vision de l’édition s’est ouverte et en même temps précisée. Je sais maintenant que la frontière ne se situe pas entre les livres difficiles et ceux qui s’adressent au plus grand nombre, mais entre les bons et les mauvais livres. » Ces propos de Paul Otchakovsky-Laurens, publiés en novembre 1982 par Livres hebdo, le directeur des éditions P.O.L. est prêt à les signer aujourd’hui encore. Car ils ne forment pas une boutade : pour preuve, la concomitance sous la couverture blanche d’auteurs comme René Belletto, Danielle Sallenave, Hubert Lucot ou Olivier Cadiot. Pour preuve encore, le succès (prix du livre Inter et prix Fémina) de L’Enfer de René Belletto et celui de Frédéric Boyer (prix du livre Inter pour Des Choses idiotes et douces).
Pour affiner cette « vision de l’édition » Paul Otchakovsky-Laurens aura d’abord goûté l’expérience éditoriale chez Christian Bourgois où il fut stagiaire puis lecteur extérieur durant un an avant de passer chez Flammarion. Là, il dirige la fameuse et défunte collection « Textes ». Au total, il reste 7 ans chez Flammarion avant de rejoindre Hachette en 1977 (et de laisser « Textes » aux bons soins de Bernard Noël). Hachette lui permet de créer sa collection « P.O.L. » qui devient très vite un département grâce au succès de La Vie mode d’emploi de Georges Perec. C’est donc d’abord sous la couverture Hachette/P.O.L. que paraissent Marc Cholodenko, Manz’ie, Hubert Lucot… Collection puis département, la logique de cette évolution aboutissait au départ de Paul Otchakosky-Laurens et à la création, hors Hachette, de sa propre maison d’édition. Avec Carine Toly, l’éditeur s’installe dans des bureaux de Flammarion au 26, rue Jacob dans le 6e arrondissement parisien. Flammarion apportant son soutien logistique sans remettre en cause l’indépendance de P.O.L. qui publie ses premiers livres : L’Invention du corps de Saint Marc, le premier roman de Richard Millet et Le Livre des ciels de Leslie Kaplan.
Aujourd’hui ces deux titres ont leur place sur les quatre étagères, derrière le bureau de Paul Otchakovsky-Laurens, qui égrènent la totalité des ouvrages publiés en 11 ans d’existence. Les éditions P.O.L. se sont exilées dans une rue calme du 14e arrondissement parisien. Un rez-de-chaussée étroit avec un accueil saturé de colis, de papiers et où Thierry Fourreau compose sur son ordinateur les maquettes des livres à venir tout en répondant au téléphone ou en accueillant les visiteurs. Le couloir ensuite, un L qui n’admet pas les obèses, conduit aux quatre bureaux de la maison. Celui de Victoire de Wissocq qui affiche quelques couvertures de Positif, la revue de cinéma publiée ici, celui de Carine Toly où trônent quelques romans P.O.L. traduits en japonais (un Duras rose !), en italien, en polonais…, celui de Paul Otchakovsky-Laurens et celui, enfin, de Jean-Paul Hirsch, le directeur commercial.
Les tâches de chacun sont multiples, la structure est trop petite pour compartimenter strictement les...
Éditeur P.O.L. : la petite fabrique de littérature
En onze ans, P.O.L. est devenu un laboratoire incontournable pour le renouvellement des Lettres. Sans pour autant revendiquer un quelconque label. Chez P.O.L., la curiosité et le risque semblent être des investissements productifs.