Enrober, caresser la souffrance puisqu’on sait qu’elle ne nous quittera plus. La retrouver dans les eaux profondes de notre chair et remonter à la source des signes. « C’est le retour à la vie lente. Lente et pétrifiée comme des signes enfermés dans un galet. ». La Grosse mêle intimement le réel et la parole intérieure, avec pudeur. On retrouve ici la même passion que dans le livre précédent de Françoise Lefèvre, Le petit Prince cannibale (Actes Sud 1990), une solitude face à l’autisme. Des phrases de tous les jours, d’une clairvoyance impitoyable, un sourire qu’on accroche, un désir insupportable.
C’est le livre des gestes simples. Le livre d’une attente, celle de ce Roland de Roncevaux, image de l’homme qu’on aime, qu’on vénère, qu’on espèrera jusqu’au bout : « A perte de vue, la route poudroie d’absence. » Ironie. Un goût amer au fond de la gorge. La Grosse, un livre du vide. « A perte de vue, la route est vide. Vide jusqu’au vertige. Est-ce possible de vivre avec un cœur aussi gonflé d’absence ? »
Actes Sud
108 pages, 60 FF
Domaine français La Grosse
décembre 1994 | Le Matricule des Anges n°10
| par
Corinne Robert
Un livre
La Grosse
Par
Corinne Robert
Le Matricule des Anges n°10
, décembre 1994.