Le Pêcheur d’eau
Sous son chapeau de feutre noir, mais sans feu de bois, sans veillée de flamenco autour des roulottes, un gitan qui aurait égorgé père et mère dans un rêve en voulant les serrer contre lui, Guy Goffette est l’incendiaire de sa propre vie : il pille, saccage, allume des brasiers pour les éteindre ensuite. Un chien. Guy Goffette est un chien en poésie - Supervielle, Jammes, Claudel lui caressent la tête - mais un chien de route, un Braque bleu des Ardennes, un voyou, un fugueur. Il court droit devant pour se perdre et rentrer au livre plein de morsures et de tiques, brisé de fatigue, éreinté. Goffette fait sa niche dans les loques du poème. Sa poésie est ce halètement sublime, ce sursaut.
Dans votre enfance quel a été le contact avec l’écriture ?
J’ai commencé par regarder, je suis quelqu’un du regard, ma poésie est très visuelle, avec des couleurs, des matières. J’ai vécu quelques années à Paris en faisant des caricatures, en croquant le portrait des gens. J’ai été renvoyé de tous les collèges. Vers douze ou treize ans, je me suis replié sur moi-même, en pension où l’on m’a mis pendant neuf ans. Je tenais des carnets, une sorte de journal intime, avec de très mauvais poèmes, tristes, des dessins aussi. J’ai lu des milliers de poèmes. C’est impossible d’écrire sans avoir lu. On vit sur les autres comme des parasites, des pilleurs de langue.
J’étais un enfant timide, renfermé. Je jouais seul au fond du jardin. J’imaginais que je voyais la mer. J’étais l’aîné de famille et j’ai souffert d’un père sévère, catholique. Mon père n’était pas alcoolique, ce n’était pas une violence comme ça. Mais il était nerveux, angoissé. C’était quelqu’un qui s’excusait. Quand je faisais des bêtises, il retirait sa casquette, et la roulait entre ses doigts, pour demander pardon à ma place. Un jour, son père lui a fait décrocher un tableau dans la maison, parce que le sujet, une gitane, avait les épaules légèrement dénudées. Il a obéi sans broncher.
Votre premier manuscrit important ?
C’est Quotidien rouge, j’avais signé Guy-Marc Allier, quelques autres textes qui se sont perdus dans des revues sous ce pseudonyme. Ce premier livre a été écrit en mai 68 et m’a valu un renvoi de l’école des Frères où j’enseignais… mais je ne cherchais pas la tranquillité, je voulais la passion. La sérénité est une antichambre de la mort.
C’était un texte engagé ?
Un peu dans la mouvance d’Eluard, d’Aragon, une sorte d’écriture surréaliste dans un vers classique…mais ça n’avait rien à voir avec l’engagement communiste. Cela signifiait plutôt s’engager avec les tripes, à fond. J’ai eu un article important dans Le Drapeau rouge. Je ne savais pas que les Frères lisaient ce journal (rires)… A 22 ans, j’ai dirigé une revue alors que j’étais au service militaire, antimilitariste, anti hommes de lettres, anti tout… on a fait sept numéros. C’est l’époque où j’ai rencontré Achille Chavée à qui j’ai consacré un numéro. J’étais engagé très à...