Le chant des cigales, l’intensité d’un soleil plombé et la nonchalance du Gardon qui coule au seuil de la belle maison du XIXe siècle qu’il habite inciteraient plus Jacques Brémond à la sieste qu’au travail. Barbu comme un pâtre grec, élancé comme ces pins du Sud qui bordent les vignes, l’éditeur épouse le rythme d’une vie sous la canicule. A tel point que ses services de presse proposent parfois aux journalistes dubitatifs des « nouveautés » sorties un ou deux ans auparavant. Pratique étrange -et certainement peu efficace- qui dénote toutefois une certaine foi dans le texte et une souveraine indifférence pour la mode. Le temps de Jacques Brémond, à Remoulins sur Gardon ne fait jamais preuve d’impatiences.
Né peu après la Seconde Guerre mondiale, Jacques Brémond termine une licence de psychologie en… 1968. La fac de lettres de Monpellier où il est étudiant est un haut lieu de la révolte. « 68 pour moi c’était l’illusion que les choses étaient possibles. Je sortais d’un milieu petit bourgeois, mon père était représentant de commerce, ma mère infirmière. Mais je n’étais pas théoricien. Je n’ai pas été embrigadé dans un mouvement. »
Même si le livre est présent, sa famille lit très peu (son père est aveugle). C’est en seconde qu’il découvre la littérature par l’entremise d’un professeur de français. La boulimie qui le prend alors réalise de curieux mélanges : « je lisais Kierkegaard en même temps que des livres de la collection rouge et or. Ivanhoë en même temps que Marx. »
Jacques Brémond franchit rapidement le pas qui conduit de la lecture à l’écriture et en 1965 il adresse un manuscrit de poésie à une cinquantaine d’éditeurs. Il reçoit beaucoup de réponses (« j’étais très étonné de constater que les éditeurs répondaient au courrier, c’est une qualité qu’aujourd’hui je n’ai pas. Je ne réponds pas, je n’ai pas le temps »). Dans le lot, certaines sont positives… à condition que le jeune poète accepte de payer la fabrication des livres ; « ça m’avait choqué. Je pensais que l’édition était un métier noble ». L’année suivante il écrit le récit d’un voyage réalisé avec des copains en Turquie. Ils éditent l’ouvrage à compte d’auteur et le tirent à mille exemplaires qu’ils écouleront. « Il n’y avait aucune qualité littéraire, c’était juste le carnet de bord de types de 18-19 ans partis à l’aventure en voiture. Mais cette expérience m’a fait découvrir l’imprimerie. »
En 1969-1970, Jacques Brémond crée une revue Voiex : début d’une vie d’éditeur.
Quels étaient les objectifs et les moyens de Voiex ?
Il n’y avait pas de ligne directrice. C’était un peu « gueulard », dans le genre rebelle. La revue était faite de bric et de broc en format A4. Le premier numéro a été réalisé à la M.J.C. d’Avignon, si ça peut vous donner une idée. Dès le numéro 3, j’ai acheté ma première presse, une presse à pédale qui fonctionne toujours, une Aulagnier 1860. Je travaille parfois encore avec cette presse, je viens de sortir le...
Éditeur Jacques Brémond : un éditeur dans ses papiers
Installé entre Nîmes et Avignon, l’éditeur Jacques Brémond fête ses vingt ans d’édition. Résolument tournée vers la poésie, sa maison se distingue par un travail singulier sur le papier et la typographie. Rencontre avec un artisan-éditeur.