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Théâtre Clown dramaturge

novembre 1995 | Le Matricule des Anges n°14 | par Laurence Cazaux

Avec Hôtel du grand large, une « fantaisie civique », Alain Gautré poursuit sa comédie humaine. Celle d’un écrivain et dramaturge de plateau.

Hôtel du grand large

Alain Gautré a mis plusieurs années avant d’admettre qu’il était un auteur. « Le paradoxe, c’est que je n’arrêtais pas d’écrire des pièces mais pour moi je ne faisais pas acte d’écriture mais de théâtre. Comme si le théâtre était coupé en deux, d’un côté le jeu de l’acteur, la déconnade et de l’autre l’écriture, le sérieux ». Le déconneur et le bon élève ont ainsi lutté des années…
« Gosse, je ne me posais pas de question, j’étais auteur et acteur. Je n’arrêtais pas d’inventer des histoires et de les jouer avec ma collection de soldats Mokarex (en cadeau dans les paquets de café). Mais à mon entrée en sixième, écrire se rapprochait davantage de la littérature et devenait inimaginable. Alors que jouer restait lié à la cour de récréation. Adolescent, après avoir raté mon bac, je rentre à l’école Jacques Lecoq, comme comédien forcément ».
En 1975, après l’école, Alain Gautré crée un spectacle solo, Le Jardin d’à côté, où il joue 80 personnages à lui seul. Du Caubère avant l’heure. Pierre Pradinas lui demande alors de travailler au théâtre du Chapeau Rouge. « J’ai tout de suite accepté d’écrire une pièce que Pierre Pradinas mettrait en scène et que nous jouerions. Mais dans mon esprit, je proposais juste un outil dramatique ». Ainsi naît Place de Breteuil. Succès énorme à Avignon en 1978. « Ça m’a causé un choc lorsque les critiques ont déclaré qu’un nouvel auteur était né : Alain Gautré… Il m’a fallu plus de dix ans pour digérer l’information. C’était atroce car je voulais simplement faire du théâtre ! »
Alain Gautré écrit ensuite plusieurs pièces. « Puis j’en ai eu marre d’être celui qui rédigeait les improvisations des acteurs. Je me suis donc lancé dans un nouveau solo. Une catastrophe financière. Je stoppe tout. En 1988, Le Pen fait un score considérable aux élections. J’écris Chef-Lieuune pièce sur la montée de l’extrême-droite, publiée chez Actes Sud-Papiers sans aucune démarche de ma part dans ce sens. J’ai réalisé alors que je pouvais être respectable sans perdre mon âme. Le saltimbanque déconneur et le bon élève se rejoignaient. Le fait d’être publié m’a également permis de faire une synthèse sur le statut d’auteur. Car auparavant, mes textes étaient des commandes déguisées, montés par moi-même ou des copains connaissant mon travail ou celui de Lecoq »

Est-ce que le fait d’avoir appris le métier d’acteur avec Jacques Lecoq induit chez vous une forme d’écriture ?
Il y a différentes familles de théâtre. L’une d’elle, ce n’est pas la mienne, est littéraire. Certaines pièces sont des poèmes dramatiques. Mais moi, je suis un auteur né du plateau. Comme Molière. J’ai cette prétention. Quand j’écris du théâtre, j’écris des actions, les actions physiques des acteurs sur le plateau. On apprend ça chez Lecoq, l’intelligence de débusquer des actions sous les mots. Entre les lignes de mes textes, il y a énormément de jeu. Et je me suis rendu compte que, malgré des enjeux stylistiques simples, mon écriture était très complexe pour qui ne connaissait pas le travail de Lecoq. Quand j’écris une pièce, je vois le jeu. D’ailleurs quand les acteurs jouent, pour moi c’est aussi de l’écriture théâtrale.

Vous avez travaillé avec le Théâtre du Mouvement (théâtre gestuel). Est-ce pour vous également un travail d’écriture ?
Oui. Même s’il n’y a aucun mot, c’est un travail d’écriture. Philippe Gentil, Jérôme Deschamps ou François Tanguy ouvrent le champ à d’autres matériaux que les mots. Mais on parle rarement d’écriture à leur sujet.

Pour votre pièce Le Château dans la forêt,vous dites vouloir réconcilier Robert Dhéry et Peter Handke. Pourquoi ?
C’est une provocation. Robert Dhéry, le créateur des Branquignols, mérite pour moi autant de considération que Peter Handke. Très peu de gens ont pris en compte tous les paramètres de l’écriture théâtrale. Il y a Molière bien sûr. Et puis Chaplin pour le cinéma.

Chef-Lieu parle de la montée de l’extrême-droite et Hôtel du grand large, dédié au peuple de gauche, traite d’une succession présidentielle délicate. Vous considérez-vous comme un écrivain politique ?
Après Chef Lieu, j’ai été étiqueté comme un auteur politique. Stéphanie Loïk m’a d’ailleurs commandé Hôtel du grand large pour cette raison. Mais dans mes pièces, la présence du vent est tout aussi importante. Disons que si je suis politique, je ne suis absolument pas militant.

Vous vous inspirez beaucoup de l’actualité. Dans votre dernière pièce, un personnage fait penser à Bernard Tapie et la situation est comparable à la fin du deuxième septennat de François Mitterrand. N’avez vous pas peur que ce réalisme réduise vos pièces ou les fasse vieillir très vite ?
Quand Molière écrit Tartuffe, il pense à des personnes précises. Aujourd’hui, Les Affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau fait un triomphe. Des tas de détails touchant à une époque révolue sont encore justifiés. Mon ambition est de décrire une comédie humaine de notre temps en créant des archétypes. Le côté factuel de l’actualité ne m’intéresse pas. Je ne cherche pas à me moquer ou à détruire. J’ai plutôt un souci brechtien de m’adresser au spectateur en tant que citoyen et de lui ouvrir un espace de compréhension.

Vous faites souvent un travail de reportages pour écrire vos pièces. Comment cela se passe-t-il ?
M’assoir à mon bureau pour écrire m’ennuie. Ce que j’aime, c’est jouer à écrire. Pour Le Château dans la forêt, j’avais un désir de gosse de partir dès le lendemain visiter toute l’Europe centrale. Voyager, c’est un éveil par rapport à moi-même, à ma propre écriture. Ça me permet d’aller à la rencontre de mes intuitions mais aussi d’enrichir mes pièces de détails auxquels je n’aurais pas pensé. En écrivant Chef Lieu, j’ai éprouvé un plaisir d’acteur à pénétrer un peu l’extrême-droite.

Quelle est la place du théâtre aujourd’hui ?
Beaucoup de gens s’ennuient au théâtre. Je ne crois pas que les artistes se rendent compte à quel point ils sont responsables de cela. Le poème dramatique a ses limites. Et la caste culturelle devrait réapprendre à siffler, à s’indigner de ce qu’on nous inflige. L’écriture n’est pas un moyen de changer le monde mais d’être lucide et d’en rire. On peut être dramaturge et clown. Il ne faut pas systématiquement séparer Rabelais et Montaigne en pensant que l’un serait plus sérieux que l’autre.

Hôtel du grand large
Alain Gautré

Actes Sud-Papiers
75 pages, 70 FF

Clown dramaturge Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°14 , novembre 1995.
LMDA PDF n°14
4,00