La chauve-souris se marie à deux ans. Elle est impropre au labour et au trait. Si on désire la conserver, il ne faut pas faire bouillir son crâne, mais la laisser macérer dans l’eau tiède et en jeter les poux dans l’alcool« . Et plus loin, sur cet »oiseau de Mars« nous apprenons encore qu’à cause de ses mamelles pectorales elle ressemble »à la marquise de Pompadour" !
C’est du Vialatte. Non pas le Vialatte (1901-1971) traducteur de Kafka, ni le romancier des Fruits du Congo (1951), mais celui des chroniques données au journal La Montagne de 1953 à 1970, et parmi les meilleures celles des Dernières Nouvelles de l’homme, ou de Et c’est ainsi qu’Allah est grand (compilations posthumes parues chez Julliard respectivement en 1978 et 1979).
Ici, dans ces chroniques confiées aux Arts ménagers de janvier 1968 à janvier 1969, l’argument pourrait se réduire à peu près à ceci : il s’agit pour chaque mois de l’année d’épingler un oiseau à son tableau de chasse et de décrire par ce biais la nature de l’homme, sur un ton qui mêle humour, dérision et ironie.
Mais ce sont évidemment de drôles d’oiseaux que Vialatte intercepte dans leur vol : aux conventionnels pic-vert et corbeau (il « mange les morts, il vit cent ans et il sait compter jusqu’à 7 ») il associe l’Auvergnat, que l’on « apprivoise avec du lard », la sorcière, le bœuf, l’homo-simplex, et le loup. Des volatiles, naturellement, que certains ornitologues contestent, ne pouvant accepter « qu’un animal vienne contrarier des idées reçues acquises au prix de diplômes coûteux ».
Le problème avec Vialatte demeure précisément ces compilations posthumes qui privent chaque chronique de la saveur insolite que lui conférait sa publication isolée. Et les illustrations d’Albert Lemant, trop sombres pour ces propos qui entendent confondre l’esprit surtout par leur manque apparent de gravité, ne changent rien à la facture de ce recueil, dont la lecture, il faut bien l’avouer, s’avère véritablement laborieuse.
L’Oiseau du mois
Alexandre Vialatte
Le Dilettante
108 pages, 79 FF
Histoire littéraire Chroniques de l’oiseau
février 1996 | Le Matricule des Anges n°15
| par
Didier Garcia
Un livre
Chroniques de l’oiseau
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°15
, février 1996.