Discorde et Haine ont fait nos têtes, nos membres séparés. Et l’eau des larmes peut rappeler toute une mer sans fond, ce n’est qu’un pauvre instant d’immémorial amour. / Par la peur du courage l’ordre est laissé aux naturelles déités, et après ces sanglots où nous croyons toucher la terre, je reçois le silence, plus que la haine au cou cassé. M’est offerte une gifle : profil penché sur l’obsédant repas. / Contre la nuit aux yeux déserts, le cœur strident fait des fauchées de meurtre. Des lettres capitales ensanglantent le papier.« Ce poème, extrait du nouveau recueil de Patrick Guyon intitulé L’Autre Moitié du ciel, permet de saisir d’emblée la nature dramatique d’une poésie dont les conflits exprimés reposent sur les dualités inhérentes à la conscience humaine. Véritable héritier de Baudelaire, usant comme lui d’un sens du cynisme et de la fatalité que ne peut que contredire la grâce enfin vécue d’un instant, Patrick Guyon convie Satan dans l’expérience obscure de la vie. Plus que jamais, la parole du poète, et même le poète en personne, s’expose à un monde vertigineux avec »Le mal, en somme, donné comme un levain« . Graves et sans repos, les poèmes en prose de Patrick Guyon sont écrits sur une terre impitoyable où chaque destin est soumis à des lignes confuses, où l’image de la divinité est trouble et la pensée la torture commune à tous. »J’ai beau verser à pleines mains, ceci demeure : où le cœur fait son pain j’ai de vastes caillots.« Heurtée, blessée, objet de tous les émerveillements et pourtant déracinée et errante -sa noirceur révélant la lumière- la parole de Patrick Guyon offre des images, des abîmes où »l’incertain et la peur« règnent sans concession. »Ici, l’humain voudrait renaître, reprendre son voyage sur un sol très peu sûr".
Sur la mouvance d’une terre dénaturant chaque sentiment, l’espoir, l’amour de la vie, la validité d’une quête de la pureté renaissent au terme de l’ouvrage, affirmant le désir d’un apaisement, d’une rédemption sûrement présents au-delà de nos souffrances.
L’Autre moitié du ciel
Patrick Guyon
Cheyne éditeur
60 pages, 80 FF
Poésie L’ange face à satan
février 1996 | Le Matricule des Anges n°15
| par
Marc Blanchet
Un livre
L’ange face à satan
Par
Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°15
, février 1996.