Entre Les Confessions et Les Essais, Alain Lercher penche davantage du côté de Montaigne dans sa façon de parler du tréfonds de son être sans s’ouvrir directement au lecteur. Les Fantômes d’Oradour (Verdier, 1994), son précédent livre décrivait le rapport intime qu’il entretient avec la mémoire collective d’un événement tragique qui, pour des raisons familiales, le touche de près. Les thèmes abordés dans Prison du temps, peuvent sembler moins personnels, comme le postmodernisme (« La fin des imbéciles »), ou le temps précisément. Mais il est aussi question dans ce recueil de la mort du père et de celle d’un ami (« Les Morts »), ou du souvenir d’un voyage en Guadeloupe (« Les Iles »). Quels qu’ils soient, ils témoignent tous d’une qualité trop rare : la liberté d’esprit de leur auteur. Alain Lercher se soucie moins de savoir pour qui il passe que de formuler au plus juste ce qu’il ressent et ce qu’il pense. Avec pour maîtres-mots : honnêteté et simplicité.
Quelle est la cohérence du livre ?
Les idées d’unité et de cohérence me sont assez étrangères, contrairement aux éditeurs qui en sont très préoccupés. Cela dit il doit y en avoir de fait. Les textes de Prison du temps ont tous été écrits dans une même période. La cohérence, c’est le type qui écrit à un moment donné de sa vie.
Pourquoi ce titre, Prison du temps ?
Parce que le temps, sous toutes ses formes, est un thème qui revient dans chaque texte. Et « prison », parce qu’on n’en sort pas. C’est d’une banalité extrême.
Justement, la banalité est très présente dans Prison du temps.
L’originalité n’est pas un de mes soucis. Je pense que c’est dans le banal que réside la vérité des hommes.
Vous vous interrogez sur les lieux communs pour savoir s’ils rendent mieux qu’une image originale ce que vous voulez décrire. Faites-vous une différence entre la banalité et les idées reçues ?
Borges dit que les images les plus intéressantes sont les images les plus banales. Il faut seulement retrouver la vérité profonde de ces images qui a traversé les siècles. L’idée reçue peut servir à cacher quelque chose qu’on connaît trop bien et qu’on refuse de voir. Cela dit, il y a aussi des idées reçues qui sont des stupidités.
Ne pensez-vous pas que devant la banalité et les idées reçues, le lecteur peut se dire : ça, je le sais déjà ?
Ma véritable ambition est d’écrire pour l’épicier du coin. Est-ce que ce lecteur-là dira : ça, je le sais déjà ? Peut-être, mais il n’en sera pas forcément gêné. En outre, on peut me reprocher d’enfoncer des portes ouvertes. Mais je me suis rendu compte qu’il y a beaucoup de portes ouvertes qui sont en permanence refermées depuis des années, voire des siècles. L’inégalité sociale, par exemple, qu’est-ce qu’il y a de plus banal ?
Si vous voulez écrire pour les épiciers, pourquoi ne pas écrire de romans ?
Pour moi la différence se fait plutôt entre fiction et non-fiction. J’ai publié des nouvelles et...
Entretiens Humeurs vagabondes
juin 1996 | Le Matricule des Anges n°16
| par
Christophe Kantcheff
Ni essai, ni traité de morale, Prison du temps d’Alain Lercher est un livre de littérature. Les opinions l’empnt sur les analyses, les sentiments sont souvent plus importants que les idées. En toute liberté.
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