La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Le spectateur mobile

septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17 | par Thierry Guichard

En bus ou en train, Gil Jouanard projette sa tendresse sur les paysages qui passent, sans oublier que c’est nous qui passons dans le temps.

Plutôt que d’en pleurer

L' Envergure du monde

Marseille en autobus

On savait Gil Jouanard plus prompt à décrire les paysages qu’à dépeindre le caractère des hommes. Son précédent livre, Plutôt que d’en pleurer (Verdier), restera donc une parenthèse dans une œuvre si prolixe aujourd’hui qu’on se demande si, bientôt, chaque mois n’apportera pas sa livraison régulière « du » Jouanard. On aurait tort de s’en plaindre. D’abord parce que l’écriture de cet amoureux de Follain nous incite fortement à le suivre sur les plateaux de Lozère ou dans les plaines du Lot-et-Garonne, ensuite parce que ses écrits portent en eux le rythme chaloupé des chroniques littéraires qui sied à ces fréquentes publications.
Les deux nouvelles livraisons de cet auteur sont un véritable hommage aux transports en commun : le train d’abord, qui permet au fainéant voyageur d’assister à une projection en technicolor des paysages traversés, le bus ensuite dont le propre est de transporter de la nostalgie pour demain.
La SNCF aurait très bien pu apporter un soutien financier à la publication de L’Envergure du monde. C’est un livre où, en effet, on ne cesse de prendre le train. Très souvent pour effectuer une rêverie de promeneur solitaire entre Montpellier et Bordeaux « tandis que dehors n’est vite plus que ce visage, le nôtre, qui ne nous quittera plus désormais sur la vitre. » Le narrateur aime traverser ces paysages en se disant que c’est ainsi qu’il traverse sa vie, voyageur impatient que rien ne retient. Rien, si ce n’est les souvenirs et la nostalgie parfois qui font les meilleures pages de ce livre, à commencer par le texte intitulé Mémoire d’insulaire. L’île de cet insulaire n’est qu’une protubérance au milieu du Rhône ; Jouanard aime, avec ironie, rappeler combien est dérisoire tout être humain. L’auteur déploie dans ce texte sa prose délicate, tendre et non dénuée d’humour (ainsi à propos du moto-ball : « un sport confidentiel quoique fort bruyant »). Le recueil regroupe dix-huit proses de qualité et de ton différents et s’achève par un long texte grave, plus abstrait, qui montre, derrière la souplesse des phrases, une véritable rigueur de pensée.
Marseille en autobus est rythmé par de très belles photographies de Bernard Plossu. À moins que ce ne soit le contraire… Dilué, le texte perd en effet de sa force et le regard s’abreuve finalement mieux aux noir et blanc de Plossu qu’aux phrases tendres et nostalgiques de Jouanard. Car malgré l’apparente modestie de ses proses, l’écriture de Gil Jouanard a besoin d’être plus rassemblée qu’elle ne l’est dans cette édition.Simplement peut-être parce que s’y fait entendre une petite musique et qu’à trop étirer la partition, l’éditeur ne donne à deviner que des mouvements trop vite interrompus. Ce sont des assemblages de petits détails, de mots justes, de moments anodins qui construisent la nostalgie et la rende poignante : « À la terrasse des cafés, des gens se parlaient, assis devant des verres à moitié vides.À l’époque, on les voyait à moitié pleins. » Ou encore : « Sur la Corniche, la petite brune faisait tournoyer sa fine jupe de coton à fleurs, en sautant du marchepied sur le trottoir. » Peut-être alors, avec ces images-là que l’on se souvient d’avoir, nous aussi, enregistrées au fond de notre mémoire, les photos de Bernard Plossu étaient inutiles.Ou plutôt que leur juxtaposition dans ce livre n’encourage pas à se laisser dériver gentiment au rythme des bus, qui à Marseille plus qu’ailleurs, semblent de lourds bateaux nonchalants.

T. G.

L’Envergure du monde
Deyrolle éditeur
et Marseille en autobus
Anatolia
Gil Jouanard
120 pages, 89 FF ; n.p., 69 FF

Le spectateur mobile Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°17 , septembre 1996.
LMDA PDF n°17
4,00