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Domaine étranger « Les hérissons sont les gardiens du temple nazi »

septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17 | par Marc Blanchet

Les éditions La Déroute publient l’autobiographie de l’écrivain allemand Erik Weissman. A peine âgé de la trentaine, l’auteur de Sexy Holocaust Party raconte comment il a choqué l’Allemagne à travers livres et événements.

Autobiographie

Dès les premières pages de son autobiographie parue l’année dernière en Allemagne, l’écrivain Erik Weissman donne le ton : « J’ai compris très jeune que ma vie ne serait qu’une lutte incessante. Rien n’était de mon côté et je n’ai reçu aucun don sinon celui de souffrir. Les seuls souvenirs que j’ai de mon père tiennent en quelques images. Comme à la sortie de la seconde guerre mondiale, il refusait que le conflit soit fini tant que les grands responsables du monde entier ne le préviendraient pas personnellement, il poursuivit le combat, comme certains japonais sur leur île, en se faisant construire un champ de maïs entièrement en polystyrène dans lequel il restait enfermé toute la journée. Il n’en sortait qu’à l’heure des repas. Il n’adressa jamais la parole à ma jeune sœur, persuadé qu’elle était une espionne américaine répondant au nom de Paméla. Il préférait parler à un hérisson mort qu’il tenait sur ses genoux et qu’il avait appelé avec cynisme Buck Danny. Ces années passées à son côté dans le plus grand silence (il me prenait pour un des arbres du verger) m’ont pour toujours traumatisé et j’aurais aimé plus d’une fois être à la place de cet hérisson mort pour connaître l’affection de mon père. »
Ce souvenir douloureux n’a pourtant pas condamné l’écrivain Erik Weissman au mutisme. Depuis la publication de son premier roman Othello Versus Macbeth : 3-0, il est devenu le chef de file d’une génération qui a bien du mal à le suivre.
Erik Weissman est l’homme de toutes les contradictions. Une seule chose permanente : son combat contre les néo-nazis. Dans le chapitre Les Vilains garçons extrait de son livre Les Battes de base-ball, il raconte comment en compagnie du peintre Hans Scuhxechbourg et de l’actrice Hannah Fregurt, il a tenté d’enrayer ce phénomène regrettable : « Nous avons commencé à sensibiliser les néo-nazis à la beauté de la vie en leur offrant des fleurs et des colliers. Malheureusement, à notre grand regret, nous nous sommes aperçus qu’ils se les revendaient entre eux. Ce geste d’une commercialité navrante m’a inspiré le pamphlet Les Fleurs de la trahison. J’avais décidé de donner un véritable retentissement à cette publication en volant un ancien avion de la Lufwaffe et en jetant les exemplaires par-dessus Berlin. Hélas, j’ai perdu le contrôle de l’appareil qui a explosé contre un château d’eau. »

Erik Weissman ne s’est pas arrêté là pour autant. Passé ces premiers pamphlets, les scandales se suivent sans se ressembler. En 1993, sa pièce de théâtre Le Hérisson crucifié obtient à son grand étonnement un succès phénoménal. Dépité de voir que l’on peut s’intéresser à un texte qui narre l’histoire d’un homme qui s’enferme dans un champ d’asperges et écrit des lettres à son animal préféré, Erik Weissman met le feu au théâtre Hamburger-Ensemble. C’est le scandale. Erik Weissman est condamné à un mois de prison préventive pour manque de respect des consignes d’incendie. En plus de cette lourde peine, il se voit infligé deux cents heures de travaux obligatoires par l’état allemand. Nouveau scandale : durant cette période, il s’amuse à reconstruire les trois-quarts du mur de Berlin.
Les anecdotes et les pensées fleurissent dans cet ouvrage et on a bien du mal à trouver des repères excepté le fait que l’auteur déteste l’arrivée des fêtes de Noël et qu’il part chaque été écraser des hérissons en voiture dans la Forêt Noire.
Erik Weissman parle aussi de sa vie sexuelle pour laquelle il est très connu en Allemagne (il a animé l’émission télévisée 95-C). Il se confie notamment sur son impossibilité à devenir homosexuel : « Échec total de mes tentatives d’homosexualité. À chaque fois que je me retrouve avec un homme, j’ai l’impression d’être avec ma mère. » L’auteur est bien plus bavard et satisfait de ses relations avec les femmes : « Mes rapports avec les femmes sont généralement réussis surtout quand je les attache auparavant ».
Si Erik Weissman détaille les génèses de ses romans ou autres écrits, il ne s’attarde guère sur leur analyse. Au moins sait-on comment l’homme a écrit La Nullité de soi, Polystyrène et poésie, L’Incendie de Berlin ou le célèbre Les Allemands sont des hérissons. Erik Weissman raconte plus volontiers ses altercations avec Ernst Jünger ou Peter Handke : « J’ai rencontré Ernst Jünger lors d’un colloque intitulé : »Une littérature rigolote pour l’Allemagne d’aujourd’hui« . Nous nous sommes fâchés sur le tour de taille réel de Nietzsche. Ernst Jünger n’est qu’un tricheur. Je suis persuadé qu’il a falsifié sa carte d’identité et qu’en fait il est plus jeune que moi. » Peter Handke est l’ennemi juré d’Erik Weissman. Depuis que Peter Handke a écrit l’aphorisme : « Erik Weissman est un crétin fini », ce dernier le poursuit à travers le monde.
Pourtant, tout avait bien commencé. Peter Handke avait loué la première pièce de Weissman Le Hérisson et la putain. En fait, Erik Weissman nous éclaire dans son autobiographie : « Pour lancer la pièce, je suis allé dans le bureau de Peter. Il a accepté tout de suite d’écrire un article louangeur. Ensuite, je suis resté plus d’une heure pour essayer de retirer mon révolver de sa narine gauche ».
D’une nature désespérée, persuadé « d’être un étranger pour moi-même victime de mon propre racisme », Erik Weissman, s’il intrigue par ses scandales et son goût de l’autopersécution, touche du doigt les malaises d’une Allemagne en pleine crise. Chanteur-leader du groupe de musique industrielle biologique Hein Maûment Bitteu, il parle des mutations d’un pays en proie au doute, dans une période de crise qu’il montre du doigt tout en la touchant.
Dernière lubie de ce paranoïaque suicidaire : le terrorisme écologique. « Plus que jamais, il faut respecter la nature. Mon équipe a déjà repeint en vert une bonne partie des murs de Berlin », écrit l’homme avec satisfaction. Au moment où sort en Allemagne son nouveau roman Le Hérisson extatique, Erik Weissman fait avancer les pions d’un jeu qu’il ne connaît pas encore. N’a-t-il pas déclaré récemment au Berliner Zeitung : « Il faut aujourd’hui une littérature qui donne aux gens ce que moi-même, je n’ose jamais réclamer à personne. Je ne sais absolument pas ce que j’entends par là. »

Marc Blanchet

Erik Weissman
Autobiographie
Traduit de l’allemand par Philippe Cajjottet
Éditions La Déroute
1800 pages, 55 FF

« Les hérissons sont les gardiens du temple nazi » Par Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°17 , septembre 1996.
LMDA PDF n°17
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