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Domaine étranger Palace borgne

décembre 1996 | Le Matricule des Anges n°18 | par Eric Naulleau

Sous l’enseigne de l’Hôtel Europa auteur roumain en quête de personnages, eux-mêmes à la recherche d’un continent pardu : l’Europe.

Hôtel Europa

Une fois démoli le mur de Berlin et dispersées aux quatre vents de l’Histoire les ex-démocraties populaires, qu’est-ce qui s’oppose encore à la rencontre entre un écrivain roumain exilé à Paris et un étudiant bucarestois décidé à quitter son pays suite aux désillusions de la « révolution » de décembre 1989 ? Dans le cas envisagé par Dumitru Tsepeneag, les difficultés tiennent non seulement au lieu incertain du rendez-vous, un village normand dont on ne sait plus s’il se trouve au cœur ou à la périphérie d’une Europe post-communiste littéralement déboussolée (…« ce fameux Occident appelé par métonymie Europe, comme si les pays qui ne font pas partie de la C.E.E. ne se trouvaient pas en Europe, mais en Asie. (…) Et si nous admettons avec De Gaulle que l’Europe va de l’Atlantique à l’Oural, alors notre pauvre Bucarest se situe lui-même plus près du centre que du bord. »), mais également à d’autres raisons plus inattendues.
Les routes distinctes qu’empruntent les deux protagonistes s’avèrent tout d’abord pareillement semées d’embûches. Il leur faut cheminer avec les yeux levés au ciel, où apparaissent divers objets volants plus ou moins identifiés -tels qu’un véhicule extraterrestre, un aigle échappé de la légende de Prométhée ou un facteur pourvu d’ailes angéliques- tout en surveillant leurs arrières où grouille une étrange faune, dans la double acception du terme : chèvres anthropomorphes, mafiosi russes, escrocs tsiganes… Ensuite, et surtout, il se révèle très vite que l’étudiant nommé Ion Valea pourrait bien n’exister que dans l’imagination du romancier anonyme (qui ressemble comme un frère à l’auteur du présent livre).
Tous les éléments de cette intrigue délirante et réjouissante se trouvent paradoxalement traités sur un mode hyperréaliste avec force insertions dans le texte d’authentiques articles de presse, et de vertigineuses mises en abîme à la faveur desquelles fiction et réalité deviennent indiscernables. Collage romanesque dont les personnages échangent leurs rôles d’une page à l’autre, tandis qu’à une savante analyse étymologique du mot « démocratie » succèdent des fantasmes sexuels débridés, sans autre transition que des réflexions bien senties, à la manière de cette évaluation des œuvres de Zinoviev et Soljenitsyne : « Ces bouquins-là ont été écrits pour Gachet et pour d’autres de son genre qui, il y a une quinzaine d’années, étaient maoïstes ou trotskistes. »
Le périple de Ion Valea depuis Bucarest jusqu’en Normandie en passant par Timisoara, Budapest, Munich et Strasbourg, se confond de la sorte avec une méditation sur la lourde atmosphère fin de siècle qui accable le vieux continent. Le rideau de fer est tombé -ou plutôt s’est effondré- sur une très ancienne pièce, le théâtre est en ruines et tout le monde ignore de quoi sera constitué le futur répertoire et quels en seront les interprètes. Mais pendant les travaux, les répétitions continuent, ainsi qu’on le constate à la lecture de Hôtel Europa.
En digne représentant d’un peuple qui en a vu d’autres, Dumitru Tsepeneag n’en conçoit aucune angoisse existentielle et se raccroche à quelques principes littéraires de bon sens, garants d’un bonheur de lecture sans mélange : « Parce que nous ignorons ce qui se passe dans l’esprit des autres et que nous ne sommes même pas sûrs de ce qu’il y a en nous, il ne nous reste qu’à inventer des faits et des pensées, à transformer tout le monde en personnages, y compris nous-mêmes… »
Il reste à espérer que les clients se presseront nombreux à la réception de l’Hôtel Europa. Le séjour y est mémorable.

Hôtel Europa
Dumitru Tsepeneag
Traduit du roumain
par Alain Paruit
P. O. L
398 pages, 135 FF

Palace borgne Par Eric Naulleau
Le Matricule des Anges n°18 , décembre 1996.
LMDA papier n°18
6,50